L’Université de Berne a annulé trois jours avant l’événement, une conférence organisée par Amnesty International avec Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l’ONU pour la Palestine. Initialement acceptée, puis plusieurs fois confirmée et remise en question, la réservation de la salle a finalement été retirée après de fortes pressions extérieures.
Le tournant décisif est intervenu après une intervention du Schweizerischer Israelitischer Gemeindebund (SIG), qui a alerté la rectrice Virginia Richter sur des propos attribués à Francesca Albanese jugés «antisémites» ou «légitimant le terrorisme». Le SIG a transmis des extraits d’un rapport critique de l’ONG pro-israélienne UN-Watch. Suite à cet échange, la direction de l’université a exigé d’Amnesty des garanties immédiates d’« équilibre » et de prévention contre l’antisémitisme, mais a retiré son autorisation avant même la réponse complète de l’organisation.
La décision a eu un retentissement international : mentionnée par les autorités israéliennes, utilisée par UN-Watch au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, et suivie peu après par des sanctions américaines contre Albanese. Amnesty, de son côté, dénonce une décision prise sous pression politique et souligne que la rapporteuse travaille sur une base scientifique. (Bieler Tagblatt)
Et la décision de l’Université de Berne continue de susciter de vives critiques internes et externes. Plusieurs collaborateurs·rices dénoncent sous couvert d’anonymat un climat de la peur, de la censure et de l’autocensure.
«Le climat qui règne à l’université de Berne représente un danger bien plus grand pour l’exercice de ma profession que la perte de mon emploi», juge le professeur assistant Charles Heller de l’Institut d’Anthropologie sociale de la même université, qui dénonce une décision «scandaleuse» de la direction, rappelant que l’université n’a organisé aucun événement substantiel sur la guerre à Gaza depuis octobre 2023, manquant ainsi à sa mission sociale qui consiste à fournir aux étudiants, aux facultés et au grand public les bases nécessaires pour se forger une opinion éclairée.
Le Professeur de droit constitutionnel et administratif de l’Université de Bâle Markus Schefer insiste sur la nécessité pour l’institution d’ouvrir l’espace de débat à toutes les opinions, y compris sur le conflit israélo-palestinien. «Le caractère scientifique et l’équilibre ne peuvent être des conditions préalables aux déclarations faites dans le cadre d’événements organisés dans une université. Dans les établissements d’enseignement supérieur, les questions générales d’intérêt social doivent également pouvoir être abordées d’une manière fortement influencée par des opinions personnelles.
L’université ne se limiterait pas à la science. « À l’université, on peut tout dire dans le cadre de la loi. » Dans les cours et autres manifestations scientifiques spécifiques, les propos tenus doivent ensuite être évalués à l’aune de critères scientifiques. Par conséquent, les événements organisés dans les locaux d’une université ne doivent pas nécessairement être équilibrés. «À cet égard, les universités ne sont pas soumises aux mêmes normes strictes que la radio publique, par exemple.» Mais il est également clair que lorsqu’elle autorise des événements sur des sujets controversés, l’université ne peut pas servir de forum à un seul camp, mais doit être ouverte à toutes les opinions» (Der Bund)