8 Mar 2024
Du rôle de certaines universités dans la dissémination de l’idée des vertus présumées du «libre marché»
Dans un dernier livre (Les Marchands de doute, Le Pommier, 2010), les historien-nes des sciences Naomi Oreskes et Eric Conway avaient «analysé les racines historiques et politiques du climatoscepticisme et, plus généralement, les ressorts de la défiance vis-à-vis des sciences de l’environnement.» Dans leur récente publication Le Grand mythe. Comment les industriels nous ont appris à détester l’Etat et à vénérer le libre marché, ils analysent «les moyens par lesquels le «fondamentalisme de marché» […] s’est progressivement imposé aux Etats-Unis tout au long du XXe siècle.»
«Nous sommes ainsi passés d’une enquête historique sur la désinformation en sciences à une autre, sur la désinformation en économie.», explique Naomi Oreskes dans une interview. «Nous montrons dans notre enquête qu’un réseau d’organisations professionnelles, de groupes de réflexion, d’intellectuels ou d’universitaires conservateurs, tous financés ou soutenus par les milieux d’affaires américains, a construit et propagé ces idées dans la presse et les médias de masse, dans le monde politique, mais aussi dans la culture populaire.» Elle documente par ailleurs l’impact des milieux d’affaires américains sur la construction des idées qui se diffusent dans la science économique. «Peu d’historiens avaient jusqu’à présent examiné la manière dont d’importants industriels, en particulier associés à la société DuPont, ont financé l’installation de Milton Friedman à l’université de Chicago. Cela montre que nous devons être très attentifs à la manière dont la vie universitaire et intellectuelle peut être façonnée par les intérêts des entreprises. C’est en partie pour cette raison que j’insiste sur l’importance de la transparence des financements et des liens d’intérêts dans la recherche.»