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12 Mai 2025

«Quand une université cède, on s’attaque à la suivante»

  • Société et hautes écoles

Entretien sur la liberté de la science avec Mitchell Ash, historien des sciences et professeur émérite d’histoire du début de l’ère moderne à l’Université de Vienne, américain d’origine.

Pour l’historien, la stratégie du président américain est la suivante: «on s’attaque à une université, et si elle cède, on s’attaque à la suivante. On monte ainsi les universités les unes contre les autres, selon la devise «diviser pour mieux régner».» Le fait que le gouvernement veuille maîtriser la politique du personnel des universités, orientée vers le mot-clé DEI (Diversity, Equity and Inclusion) «est vraiment inadmissible. Car la politique du personnel est un élément important de la liberté scientifique, c’est-à-dire de la question de savoir qui peut faire de la recherche et enseigner.»
Mais pour Mitchell Ash, cette action contre les universités ne serait qu’une partie d’une stratégie globale. «En outre, le régime tente de contrôler le contenu de la recherche, un autre élément de la liberté scientifique. Il fait dépendre les fonds de recherche de l’apparition de certains mots comme diversity ou gender dans les demandes de recherche. […] C’est la culture du cancel à l’état pur. Jusqu’à présent, la cancel culture était un reproche des conservateurs contre les gauchistes. Mais maintenant, cela s’exerce réellement, et d’une manière que même de nombreux conservateurs trouvent effrayante.»

En Europe, la liberté de la science, c’est-à-dire le libre choix des thèmes de recherche et le libre choix des organes de publication, est aussi menacée. «En Allemagne, beaucoup de choses passent par ce que l’on appelle le Deal Consortium. Il est censé améliorer l’accès à la recherche en concluant des contrats avec de grands éditeurs. Cela semble bien, mais il y a un hic: ceux qui veulent publier en dehors de ces structures ont souvent moins de chances dans la profession ou sont discriminés à l’université. Cela limite la liberté de décider soi-même où et comment publier sa recherche – et c’est précisément l’un des fondements de la liberté scientifique. Elle est donc structurellement menacée. C’est presque plus dangereux, car cela ne concerne pas seulement les «fauteurs de troubles» dans les sciences sociales et culturelles, mais toutes les disciplines.»

Est-ce que l’Europe peut profiter de ce qu’il se passe aux Etats-Unis, par de la fuite des chercheur·euses par exemple ? «En Europe aussi, l’argent est rare. Et cela ne résout pas le problème global. […] L’évolution actuelle ne peut en fait profiter qu’à la Chine. Le pays est déjà en tête en ce qui concerne le nombre de publications de haute qualité.» Étant donné que la Chine n’est pas une démocratie, il n’y existe pas de liberté scientifique, toutefois «une sorte de flexibilité scientifique» y est présente. «Le régime laisse faire les chercheurs s’il voit un intérêt à long terme. En l’occurrence, la chronologie du Parti communiste chinois est différente de celle des Etats-Unis, où des élections ont lieu tous les deux ans. Ils comptent en décennies et en générations.»

Finalement, pour l’historien, l’exil des cerveaux américains «n’est pas une solution» pour le contexte actuel du monde de la recherche américain. «Cela sauve bien sûr la psyché individuelle de la pression. Mais ce n’est pas une solution pour le système. Je ne dis pas cela comme une critique fondamentale, c’est simplement une description objective de cette stratégie. Les stratégies qui sont efficaces sont institutionnelles. C’est ce que fait Harvard actuellement. L’université se défend et poursuit le gouvernement en justice. Nous verrons si cela aboutit.»

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  • politique – Etats-Unis
  • 12.05.2025 – Republik – «Wenn eine Hochschule einknickt, nimmt man sich die nächste vor»
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