13 Août 2025
L’industrie des recherches truquées
Lundi 4 août, une étude publiée dans PNAS, la revue de l’Académie nationale des sciences des États-Unis, fait état d’un nombre croissant de falsifications et pratiques frauduleuses dans les revues de recherche scientifique. Les auteur·ices constatent une forme d’industrialisation de la fraude par le biais d’usines à articles («paper mills») et mettent en avant la complicité des rédacteur·ices en chef de revues dans la publication de faux articles.
Afin de réaliser leur recherche, les auteur·ices ont analysé la revue américaine PLOS One. Dans un premier temps, les auteur·ices ont analysé les éditeur·ices au taux anormalement élevé de publications acceptées. L’étude relève que 45 des éditeur·ices de la revue ont vraisemblablement été impliqué·es dans des pratiques frauduleuses. Dans un deuxième temps, les auteur·ices se sont intéressé·es aux graphiques ou photos d’expériences dupliqués dans une ou plusieurs publications différentes. Ces images ayant été publiées dans un court laps de temps et par des éditeur·ices voisin·es, laissent penser l’existence de formes d’industrialisation de la fraude. Ils et elles notent également que lorsque certaines revues scientifiques dites «prédatrices» (publiant des articles sans véritable contrôle) se font exclure des bases de données reconnues, les auteur·ices peu scrupuleux·euses passent simplement à une autre revue du même type selon le phénomène appelé «journal hopping». (Le Monde)
La détection des réseaux d’éditeurs telle que pratiquée par cette équipe de chercheur·euses «est tout à fait nouvelle», avance Alberto Ruano Raviña, de l’Université de Saint-Jacques-de-Compostelle en Espagne (The Economist).
Selon les estimations, environ 1 à 2 % de toutes les études publiées aujourd’hui sont falsifiées, et avec l’intelligence artificielle, les contrefaçons devraient devenir de plus en plus indétectables (NZZ). «Le nombre d’articles rétractés et d’articles commentés par PubPeer double respectivement tous les 3,3 et 3,6 ans, tandis que le nombre total de publications double tous les quinze ans. Et les articles suspectés d’être issus d’usines à papier doublent tous les 1,5 an», écrivent ainsi les auteur·ices de l’étude (Le Monde).
Selon les informations de la NZZ, «une grande partie des usines à articles et de leurs clients se trouvent en Chine, en Russie ou en Inde. Et la plupart des contrefaçons sont publiées dans des revues inconnues ou déjà réputées pour leur mauvaise qualité». Toutefois, «ce qui se passe avec PLOS One est alarmant, car cela montre que même les revues basées aux Etats-Unis, et celles dans lesquelles nous publions nous-mêmes, peuvent être touchées», explique Thomas Stoeger, enseignant-chercheur en biologie moléculaire et coauteur de l’article (Le Monde). Ces fraudes créent de plus un nouveau problème généralisé difficilement contrôlable. Les revues systématiques, qui résument les résultats de nombreuses études, risquent d’être polluées par ces articles et études frauduleux.
Ce nombre croissant de fraudes serait dû aux incitations créées par le système scientifique actuel, le nombre d’articles publiés et leur fréquence étant des critères importants pour l’attribution de postes, de promotions et de fonds de recherche (logique du «publish or perish»). Actuellement peu de mesures sont en place pour lutter contre ce phénomène. Généralement, ces détections de publications falsifiés sont faites par des bénévoles qui laissent des commentaires sur des plateformes en ligne telles que Pubpeer.
Selon la journaliste de la NZZ, «les incitations dans le système scientifique doivent changer. Si la qualité de la recherche prime sur le nombre de publications, l’achat de contrefaçons ne vaut plus la peine». De plus en plus d’initiatives vont dans ce sens. Depuis 2022, les scientifiques souhaitant solliciter des fonds au Fonds national suisse «doivent présenter un CV narratif, au lieu d’un CV classique accompagné d’une longue liste de publications».
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