Dans un article paru dans la Neue Zürcher Zeitung (NZZ), le professeur de philologie classique à l’Université de Heidelberg, Jonas Grethlein, parle du statut et du rôle des connaissances scientifiques, qui changent au cours du temps, et parle de deux tendances générales.
Premièrement, en prenant la pandémie comme exemple, il met en lumière l’invocation du savoir scientifique pour contrer les arguments populistes post-factuels. «On a par exemple fait appel à des climatologues pour réfuter l’affirmation de Trump et d’autres selon laquelle il n’y a pas de réchauffement climatique. L’appel aux faits dans la confrontation avec les populistes a ouvert la voie aux apparitions publiques des scientifiques à l’époque des Corona.» L’auteur évoque le danger que les scientifiques se fassent instrumentaliser par la politique pendant la crise sanitaire. «L’appel au savoir a plutôt une connotation élitiste, souvent même antidémocratique, surtout lorsqu’il s’agit d’un savoir dont seul un groupe dispose.»
Deuxièmement, l’auteur observe une montée de politique d’identité dans la science, qui, en opposition avec la première tendance, voit la science moins en tant que producteur de savoir objectif, mais comme moyen d’expression et d’émancipation pour les minorités politiques. Il pointe du doigt l’approche postcoloniale et la thèse selon laquelle la culture de certains groupes ne peut être étudiée et comprise que par les membres de ces groupes. «Non seulement les présupposés essentialistes de la notion d’identité mènent dans des eaux dangereuses, dans lesquelles évolue également la droite identitaire, l’exacerbation narcissique de la perspective du savoir menace également de priver la cohabitation humaine de ses fondements. Si même les scientifiques ne doivent pas s’efforcer d’obtenir des connaissances plausibles d’un point de vue intersubjectif et que l’on ne peut comprendre que la perspective de chacun, alors les revendications des différents groupes s’affrontent sans perspective de conciliation. »