Dans son dernier ouvrage, le sociologue Dominique Glaymann analyse le sentiment de perte de sens exprimé par une partie des enseignant·es-chercheurs·euses français·es, s’appuyant sur une enquête de plus de 800 scientifiques, menée entre 2020 et 2022.
Il estime que ce sentiment est un effet de la mise en œuvre du Nouveau management public, notamment de la «massification du supérieur», la «professionnalisation» des études supérieures qui met maintenant plus l’accent sur l’enseignement de compétences (plutôt que des connaissances), ainsi que de la «bureaucratisation néolibérale», de la course à l’excellence et des difficultés financières des universités depuis leur autonomie en 2007.
«[…] [I]l y a, je crois, une grande partie des collègues qui le vivent effectivement mal car, outre le rythme intense et le temps qui manque toujours, ils voient leur métier changer et ont le sentiment de travailler toujours plus pour une qualité de moins en moins bien assurée, pour l’enseignement comme pour la recherche.»
Dominique Glaymann avance l’hypothèse d’une « déprofessionnalisation » à l’œuvre chez les enseignant·es-chercheurs·euses, «l’éparpillement des tâches qu’ils vivent, ainsi qu’une forme de déqualification, en devant endosser des activités ne correspondant ni au contenu ni au niveau de leur «fiche de poste».
«Il y a ensuite la perte d’autonomie, avec un métier de plus en plus soumis aux logiques d’évaluation, de production à tenir, d’appels à projet, dans un système de moins en moins régulé par les pairs. Et il y a, enfin, le sentiment, exprimé par un nombre croissant d’enseignants-chercheurs, d’une perte d’utilité et de reconnaissance sociales».