30 Sep 2025
Thème: image de la science
26 Sep 2025
Des historien·nes critiquent une «diffamation personnelle»
Après la décision du Tribunal fédéral autorisant la Ville de Zurich à recouvrir deux enseignes contenant le mot «Mohr» (jugé raciste), la controverse refait surface. La NZZ critique sévèrement l’étude de l’ETH Zürich qui avait servi de base à la décision et s’appuie pour cela sur un rapport inédit de l’historien indépendant Martin Illi, mandaté par le Patrimoine zurichois. Ce dernier reproche aux auteurs du rapport, Bernhard C. Schär de l’UNIL et Ashkira Darman, d’avoir parfois interprété les sources de manière unilatérale, même s’il ne nie pas le caractère discriminatoire des inscriptions.
Cependant, la NZZ transforme cette critique méthodologique en attaque personnelle : son rédacteur culturel Rico Bandle accuse Bernhard Schär d’idéologie, allant jusqu’à suggérer un lien indirect avec des mouvements pro-palestiniens accusés d’antisémitisme. La Weltwoche reprend et durcit ces attaques, mettant en cause la légitimité académique de Schär et laissant planer la question d’un retrait de son titre de professeur. Dans les commentaires, la polémique dérive en discours haineux.
Face à cela, près de 300 chercheurs et de nombreux professeur·es d’histoire de l’Université et de l’ETH Zurich prennent publiquement la défense de Schär. Dans une lettre ouverte à la NZZ, ils et elles dénoncent une tentative de délégitimation personnelle au lieu d’un débat scientifique transparent, soulignant que le recours à un rapport non publié comme base d’attaques médiatiques est contraire à l’éthique journalistique. Il y a également un appel de chercheur·es de l’UNIL.
Selon la professeure Monika Dommann, cette affaire dépasse le cas individuel : elle remet en cause le fonctionnement même de la recherche et vise à discréditer des approches critiques comme la théorie postcoloniale. La science, rappelle-t-elle, n’aboutit pas à des vérités figées, mais à des débats ouverts – ce que des attaques ad personam fragilisent.
Par ailleurs, certaines accusations à propos de M. Schär sont complètement fausses, par exemple le fait qu’il écrit 100 fois M*** dans son expertise, au lieu de «Mohr».
Selon la WOZ, Bernard Schär souhaite déposer plainte contre la NZZ auprès du Conseil de la presse. Rico Bandle ne lui aurait pas fait part des accusations avant de publier l’article.
24 Sep 2025
Manque de transparence sur les expérimentations animales avec contraintes sévères
L’émission «Kassensturz» de la SRF a enquêté sur les expériences qui sont très pénibles sur des animaux dans la recherche. En vertu de la loi sur la transparence, l’émission a demandé à consulter cinq expériences récentes impliquant des animaux soumis à des contraintes sévères. La production a reçu les demandes d’expérimentation déposées auprès de l’Office fédéral de la santé publique et de la sécurité alimentaire, mais certaines étaient caviardées au point d’être presque illisibles. Pour Gieri Bolliger, directeur général de la fondation Tier im Recht, ce secret est «incompréhensible», il rend donc impossible la formation d’une opinion à propos de l’utilité de ces expérimentations.
Le nombre total d’animaux de laboratoire a chuté l’année dernière pour arriver à un demi-million. Néanmoins, le niveau de gravité 3 (niveau maximal) a augmenté de 990 pour atteindre plus de 27’000. La comparaison sur dix ans du niveau de gravité 3 montre que le nombre d’animaux utilisés pour les tests a plus que doublé. À l’EPFZ, ce nombre s’est même multiplié par cinq en dix ans. Annette Oexenius, vice-présidente pour la recherche, avance pour cela deux raisons: l’augmentation du nombre de chercheurs et chercheuses dans la recherche fondamentale bio-médicale qui a augmenté et la révision en 2018 de la classification des degrés de gravité des expériences.
Nicole Disler, membre du comité de direction de la Protection Suisse des Animaux PSA, doute que toutes les expériences lourdes soient utiles.
24 Sep 2025
Antoine Flahault: « L’UE et la Suisse sont de grosses puissances scientifiques qui doivent rappeler les faits »
«Après les propos de Donald Trump établissant un lien infondé entre paracétamol, vaccins et autisme, l’OMS a dû rappeler qu’aucune étude n’allait en ce sens. Invité mercredi de La Matinale, l’épidémiologiste Antoine Flahault, qui s’apprête à quitter la direction de l’Institut de santé globale de Genève, s’est dit préoccupé par cette défiance envers la science. […]
« Les Européens sont une sorte de dernier rempart de la démocratie pour la science.» L’Union européenne, la Suisse, la Grande-Bretagne sont de très grosses puissances scientifiques et «devraient donner de la voix et rappeler les faits», estime-t-il.
18 Sep 2025
«La moitié de la population suisse se méfie lorsque l’IA rend compte de la science»
«La majorité des Suisses soutiennent la recherche scientifique et condamnent les attaques contre la science, selon le Baromètre scientifique 2025 mené par l’Université de Zurich. La plupart des habitants de la Suisse utilisent l’intelligence artificielle, mais beaucoup l’abordent avec prudence. La population suisse continue de manifester un soutien massif à la science et à la recherche scientifique.»
17 Sep 2025
La chasse aux «wokes» a épuisé les universitaires
Depuis l’«affaire de Grenoble» en 2021, les universités françaises sont régulièrement accusées d’être infiltrées par une supposée idéologie «woke» ou «islamo-gauchiste». Ces polémiques, largement relayées par certains médias, responsables politiques et essais à succès, alimentent un climat de suspicion et fragilisent les libertés académiques.
Les campagnes médiatiques et politiques se traduisent par des pressions financières (coupures de subventions), du harcèlement en ligne et parfois des menaces de mort visant enseignant·es et responsables d’établissements. Plusieurs chercheurs et chercheuses décrivent un «travail de sape» qui épuise les équipes, entraîne de l’autocensure, voire pousse certains universitaires à l’exil.
L’article mentionne deux études indiquant qu’il n’existe pas de «submersion woke» : les thématiques liées au genre ou aux questions raciales restent marginales dans la recherche française. Mais les attaques, souvent construites sur des anecdotes et amplifiées médiatiquement, constituent un levier politique efficace, utilisé désormais au-delà de l’extrême droite.
Résultat : un climat de peur et de démoralisation s’installe dans le monde académique, où l’on forme désormais les scientifiques à se protéger juridiquement et sur les réseaux sociaux. Cette mise en cause répétée de l’université menace sa légitimité et provoque un risque de fuite des talents.
16 Sep 2025
Conseil de communication pour les universités
En début septembre, swissuniversities avait communiqué sur l’importance de la collaboration avec les institutions de recherche européenne et s’est prononcé en faveur des accords-cadres visant à stabiliser et développer les relations bilatérales entre la Suisse et l’Union européenne.
L’ancien rédacteur en chef de la Zürichsee Zeitung, Ulrich Gut, observe que les parties prenantes opposées aux accords arguent souvent que les universités suisses devraient plutôt miser sur des collaborations avec des universités américaines ou asiatiques, sous prétexte que l’Union européenne est un «navire en perdition».
Il estime que les Suisses manquent d’information concernant l’importance de la collaboration avec la recherche européenne du programme Erasmus+. Un éloignement de l’Union européenne reviendrait à la création de dépendances avec des états et leurs dirigeants Donald Trump et Xi Jinping, «de plus en plus imprévisibles et agressifs».
- Erasmus+
- collaboration entre hautes écoles
- Horizon Europe (anciennement FP9)
- politique – Europe
- image de la science
- FP10
28 Août 2025
«Reconstruisons les interactions entre scientifiques, politiques et citoyens» pour les crises écologiques
Dans le contexte actuel de crises environnementales multiples, les biologistes Gilles Boeuf et Marc-André Selosse plaident pour de nouvelles interactions entre scientifiques, politiques et citoyen·nes. Ils invitent les scientifiques à mieux se former dans la communication de leurs découvertes, et le public à être plus réceptif envers le vivant et mieux entendre les sciences. «Les sciences n’ont pas vocation à gouverner la société, mais celle-ci ne saurait être menée sans science. Demain, une vulgarisation repensée doit rencontrer une génération plus réceptive.»
- Former et entraîner les scientifiques aux médias: «Vulgariser n’est pas dire ce qu’on sait, mais ce que l’auditeur ne sait pas.» Les scientifiques doivent apprendre à dire ce qu’ils et elles souhaitent dire dans leurs réponses aux questions qu’on leur pose, «comme les politiques le font». Il faudrait ainsi qu’ils et elles rendent «désirables les alternatives qu’offrent les sciences, comme les publicitaires savent le faire».
- Former l’auditoire à entendre le message: la formation au vivant et à l’environnement devrait devenir plus centrale, de l’école primaire au secondaire. «Les sciences du vivant doivent construire l’esprit de tous dès le départ, désarmant ainsi les propos et les raisonnements qui les dénient.» Les biologistes précisent que la Fédération BioGée, à laquelle ils appartiennent, défend cette idée de mieux former la jeunesse au vivant, afin que les futures générations soient plus réceptives aux sciences.
- interdisciplinarité
- vulgarisation scientifique
- formation – enseignant·e·s
- médias et universités
- image de la science
25 Août 2025
Les perturbateurs dans l’enseignement supérieur et la recherche
Orla Feely, présidente de l’University College Dublin et de l’association universitaire CESAER, donne son point de vue sur les perturbateurs actuels qui menacent les universités et défend également les bénéfices sociétaux du modèle universitaire moderne à forte intensité de recherche.
Orla Feely, qui a nommé ces perturbateurs sur le signe de la lettre D («D is for disruption»), précise que ces éléments ne sont pas tous vécus par toutes les universités, mais que celles-ci en vivent au moins toutes une combinaison.
«Demographics»: la chute du taux de natalité actuel signifie un bouleversement démographique dans l’enseignement supérieur. La génération actuelle d’étudiant·es travaille souvent à temps partiel à coté des études, fait des longs trajets et des problèmes de santé mentale sont une réalité pour beaucoup d’entre eux (et elles). Nées avec le numérique et les réseaux, ces personnes auraient une vision et des attentes en matière d’enseignement et d’apprentissage très différentes des générations précédentes.
«Deglobalisation»: la mobilité des personnes et des idées, dont dépend la santé des universités, est actuellement souvent remise en question, avec un éloignement croissant de l’«open innovation, open science», au profit d’un accent mis sur la compétitivité industrielle. Le financement croissant dans la «Defence» a également des implications pour le financement et la nature des recherches.
«Digitalisation»: les technologies numériques de l’intelligence artificielle ont un profond impact sur l’enseignement, la recherche et l’innovation. Mais aussi sur le monde du travail et les sociétés de manière plus générale, pour lesquels les universités ont «un rôle très important à jouer dans notre réponse collective».
«Deficits»: de nombreuses universités rencontrent actuellement des problèmes financiers, qui menacent leur indépendance. Les pressions financières sur les gouvernements ainsi que sur les potentiel·les étudiant·es sont également des éléments-clés.
«Distrust»: la confiance envers les expert·es et les universités diminue au sein de la société. Les universités sont souvent accusées d’éloignement ou même de divergence par rapport aux communautés qu’elles servent.
«Division»: des questions de divisions et de colère se sont manifestées sur les campus. Les activités et valeurs des universités sont devenues le centre de débats sociétaux très polarisés. «L’équilibre entre l’engagement institutionnel en faveur d’un échange ouvert de points de vue et la dignité et le respect est souvent précaire.»
«Pour y remédier avec succès, il faut tout d’abord comprendre ce qui pourrait être perdu. Il faut ensuite s’engager à trouver des solutions, être capable de changer et savoir motiver, communiquer et susciter un large soutien en faveur des nombreuses façons dont l’enseignement supérieur et la recherche engagés peuvent transformer le monde.»
- transformation numérique
- mobilité scientifique
- financement public
- direction des hautes écoles
- risques pour la recherche
- rôle des universités
- impact des universités
- image de la science
- intelligence artificielle
20 Août 2025
«La science indépendante n’a jamais eu autant de valeur»
Dans les colonnes du Courrier, le sociologue Vincent Kaufmann, du Laboratoire de sociologie urbaine de l’EPFL, relève l’attitude critique entretenue par nombre d’acteurs économiques et politiques à l’égard de la science depuis quelques années, aux Etats-Unis comme en Suisse. Selon lui, il est important de ne pas se laisser intimider par ces tentatives de déstabilisation, rappelant que «si la position des scientifiques est souvent combattue, c’est bien parce que le savoir scientifique est un pouvoir en tant que tel. Ce pouvoir qui dérange, c’est celui de l’administration de la preuve indépendante des rapports de force en présence. Un pouvoir associé à une responsabilité d’intégrité.» Il conclut: «Le meilleur rempart face aux attaques de la science, c’est la garantie d’une recherche pleinement indépendante.»
13 Août 2025
L’industrie des recherches truquées
Lundi 4 août, une étude publiée dans PNAS, la revue de l’Académie nationale des sciences des États-Unis, fait état d’un nombre croissant de falsifications et pratiques frauduleuses dans les revues de recherche scientifique. Les auteur·ices constatent une forme d’industrialisation de la fraude par le biais d’usines à articles («paper mills») et mettent en avant la complicité des rédacteur·ices en chef de revues dans la publication de faux articles.
Afin de réaliser leur recherche, les auteur·ices ont analysé la revue américaine PLOS One. Dans un premier temps, les auteur·ices ont analysé les éditeur·ices au taux anormalement élevé de publications acceptées. L’étude relève que 45 des éditeur·ices de la revue ont vraisemblablement été impliqué·es dans des pratiques frauduleuses. Dans un deuxième temps, les auteur·ices se sont intéressé·es aux graphiques ou photos d’expériences dupliqués dans une ou plusieurs publications différentes. Ces images ayant été publiées dans un court laps de temps et par des éditeur·ices voisin·es, laissent penser l’existence de formes d’industrialisation de la fraude. Ils et elles notent également que lorsque certaines revues scientifiques dites «prédatrices» (publiant des articles sans véritable contrôle) se font exclure des bases de données reconnues, les auteur·ices peu scrupuleux·euses passent simplement à une autre revue du même type selon le phénomène appelé «journal hopping». (Le Monde)
La détection des réseaux d’éditeurs telle que pratiquée par cette équipe de chercheur·euses «est tout à fait nouvelle», avance Alberto Ruano Raviña, de l’Université de Saint-Jacques-de-Compostelle en Espagne (The Economist).
Selon les estimations, environ 1 à 2 % de toutes les études publiées aujourd’hui sont falsifiées, et avec l’intelligence artificielle, les contrefaçons devraient devenir de plus en plus indétectables (NZZ). «Le nombre d’articles rétractés et d’articles commentés par PubPeer double respectivement tous les 3,3 et 3,6 ans, tandis que le nombre total de publications double tous les quinze ans. Et les articles suspectés d’être issus d’usines à papier doublent tous les 1,5 an», écrivent ainsi les auteur·ices de l’étude (Le Monde).
Selon les informations de la NZZ, «une grande partie des usines à articles et de leurs clients se trouvent en Chine, en Russie ou en Inde. Et la plupart des contrefaçons sont publiées dans des revues inconnues ou déjà réputées pour leur mauvaise qualité». Toutefois, «ce qui se passe avec PLOS One est alarmant, car cela montre que même les revues basées aux Etats-Unis, et celles dans lesquelles nous publions nous-mêmes, peuvent être touchées», explique Thomas Stoeger, enseignant-chercheur en biologie moléculaire et coauteur de l’article (Le Monde). Ces fraudes créent de plus un nouveau problème généralisé difficilement contrôlable. Les revues systématiques, qui résument les résultats de nombreuses études, risquent d’être polluées par ces articles et études frauduleux.
Ce nombre croissant de fraudes serait dû aux incitations créées par le système scientifique actuel, le nombre d’articles publiés et leur fréquence étant des critères importants pour l’attribution de postes, de promotions et de fonds de recherche (logique du «publish or perish»). Actuellement peu de mesures sont en place pour lutter contre ce phénomène. Généralement, ces détections de publications falsifiés sont faites par des bénévoles qui laissent des commentaires sur des plateformes en ligne telles que Pubpeer.
Selon la journaliste de la NZZ, «les incitations dans le système scientifique doivent changer. Si la qualité de la recherche prime sur le nombre de publications, l’achat de contrefaçons ne vaut plus la peine». De plus en plus d’initiatives vont dans ce sens. Depuis 2022, les scientifiques souhaitant solliciter des fonds au Fonds national suisse «doivent présenter un CV narratif, au lieu d’un CV classique accompagné d’une longue liste de publications».
- évaluation par des pairs
- publish or perish
- fraude scientifique
- risques pour la recherche
- recherche – éthique
- image de la science
- évaluation – chercheur·e·s
4 Juil 2025
Serge Zaka: « Certains climatologues doivent demander une protection policière »
«L’agroclimatologue Serge Zaka dénonce dans Forum la violence dont lui et ses collègues sont victimes de la part des climatosceptiques. Ceci alors même que la Suisse et l’ouest de l’Europe traversent une vague de chaleur particulièrement intense.»
4 Juil 2025
En France, une pétition dénonce la confusion entre sciences et pseudosciences dans les librairies
«En France, des professionnels s’inquiètent de la confusion, dans les rayons des librairies, entre ouvrages sérieux sur la santé mentale et livres inspirés du développement personnel, voire de l’ésotérisme. Dans une lettre ouverte, ils réclament un meilleur balisage pour une meilleure clarté de l’offre.»
27 Juin 2025
La confiance dans la science comme marqueur d’identité politique
L’article du Economist abord la perte de confiance croissante envers la science, exacerbée par des décisions politiques controversées comme celle de Robert F. Kennedy Jr., secrétaire américain à la Santé, qui a remplacé un panel d’experts en vaccination par des sceptiques. Cette méfiance ne se limite pas aux États-Unis.
«À première vue, les données semblent équivoques. La part des personnes qui accordent « beaucoup » de confiance aux institutions scientifiques a augmenté depuis 2019 dans des pays comme l’Amérique, la Grande-Bretagne, le Canada, la France, l’Allemagne et l’Espagne. Mais, au cours de la même période, la part de ceux qui disent ne pas avoir confiance du tout a également augmenté de manière frappante, faisant plus que doubler dans certains endroits. Cette dernière tendance est inquiétante. D’une part, les personnes qui se méfient de la science sont moins susceptibles de suivre les conseils en matière de santé publique.»
Le phénomène s’est intensifié après la pandémie de Covid-19. «Tout au long de la pandémie, des institutions prestigieuses ont commis des erreurs (par exemple, au début de l’année 2020, l’Organisation mondiale de la santé a déclaré que le covid-19 n’était sans équivoque pas une maladie transmise par l’air) et les gouvernements ont utilisé la science pour justifier de mauvaises décisions politiques.» Cependant, en même temps, les scientifiques ont fait d’énormes progrès.
L’idéologie politique joue un rôle important : les conservateurs, notamment, se montrent plus sceptiques, et cette tendance est accentuée chez ceux ayant une vision hiérarchique de la société. Le rejet de la science devient alors un marqueur d’identité politique. La gauche, quant à elle, estime plutôt qu’il est normal que les scientifiques travaillent en étroite collaboration avec les hommes politiques pour définir les politiques.
Malgré cela, la majorité de la population mondiale reconnaît encore la valeur des méthodes scientifiques. Pour inverser la tendance, les scientifiques doivent mieux communiquer les bénéfices concrets de leurs travaux, clarifier les consensus et comprendre les causes locales des réticences.
(The Economist, p. 74)
25 Juin 2025
«Et si les partisans de Trump avaient raison au sujet de la science ?»
Paul Sutter, cosmologiste à l’université Johns Hopkins et auteur de Rescuing Science : Restoring Trust in an Age of Doubt (2024) estime que les universités auraient à gagner à écouter les partisans du président Trump («MAGA») et à faire un pas dans leur sens, notamment afin de s’assurer de la pérennité du financement de la science aux Etats-Unis.
Le chercheur constate que depuis au moins deux décennies, les milieux conservateurs se méfient de plus en plus de la science, la pandémie de Covid-19 et ses retombées ayant renforcé récemment cette méfiance. Le chercheur avance alors l’hypothèse que cette perte de soutien bipartisan envers le domaine scientifique serait expliquée par le fait que les MAGA n’auraient pas tort. En effet, les universités agiraient depuis longtemps dans la perspective de «diminuer et ignorer les lignes de pensée traditionnellement conservatrices», et les universitaires conservateur·rices s’en sentiraient ostracisé·es; les universités gaspilleraient de l’argent dans des recherches inutiles, alors que de nombreux ménages américains peinent à tourner; et les scientifiques seraient trop moralisateur·ices, feraient trop de recommandations, ou donneraient trop d’instructions, sans tenir compte des autorités morales ou religieuses.
Le chercheur invite donc le monde scientifique et de la recherche à changer, afin de «gagner le cœur et l’esprit de l’ensemble de l’électorat» et d’obtenir un soutien bipartisan pour la science. Il indique trois processus à mettre en œuvre:
- L’humilité: admettre que la science et les universités ont commis des erreurs, et être prêt·es à proposer des solutions concrètes pour y remédier;
- Promouvoir des politiques favorisant la diversité des points de vue au sein des départements, en invitant par exemple des conférencier·ères plus conservateur·rices ou en recrutant des professeur·es aux points de vue politiques plus diversifiés;
- «Parler moins et écouter davantage»: offrir conseils, perspectives et analyses, sans formuler des recommandations ou défendre certains résultats.
- rôle des scientifiques
- coupes budgétaires
- politique – Etats-Unis
- rôle des universités
- image de la science
25 Juin 2025
Des scientifiques américain·es lancent la contre-attaque
Un certain nombre de chercheur·es américain·es ont lancé une campagne «Stand up for Science» en réaction à la politique de Donald Trump, avec la stratégie de «noyer sa propre zone», à l’image de la stratégie de communication du président américain.
Selon l’émission, dans le monde scientifique, beaucoup auraient peur d’agir. Les jeunes scientifiques, les entreprises de biotechnologie, les organisations de patients, les sociétés médicales spécialisées et les grandes entreprises pharmaceutiques n’ont guère pris position publiquement jusqu’à présent.
7 Mai 2025
«La science doit avant tout être crédible»
«La confiance dans la science est aujourd’hui grande. Pourtant, les premières fissures apparaissent», écrit Mirko Bischofberger, qui travaille dans le domaine de la communication scientifique, dans un commentaire de la NZZ. L’auteur du texte observe une montée dans le monde entier des mouvements populistes «qui remettent fondamentalement en question le savoir des experts» et de plus en plus de pression dans le monde de la recherche, comme l’attestent les coupes budgétaires et une politisation croissante du domaine. Cependant, pour lui, «la perte de confiance ne peut pas être attribuée à un manque de visibilité», «aujourd’hui, il ne faut pas plus de relations publiques, mais plus de crédibilité. Et le chemin qui y mène passe par un système scientifique qui mise à nouveau davantage sur la qualité que sur la quantité».
Il écrit: «Le véritable problème réside plutôt dans le système scientifique lui-même. La pression pour la publication – connue sous le nom de «publish or perish» – a créé des incitations à évincer systématiquement la qualité au profit de la quantité. La recherche est aujourd’hui décomposée en unités publiables très petites. Ce n’est pas le gain de connaissances à long terme qui est évalué, mais le nombre de publications et leur «impact». Le système de publication actuel alimente la croissance et les rendements grotesques des revues spécialisées qui publient presque tout – contre paiement. Le processus de peer review, l’épine dorsale de l’assurance qualité scientifique par d’autres chercheurs, est aujourd’hui de plus en plus souvent contourné. En conséquence, le nombre d’études publiées est plus élevé que jamais, et beaucoup d’entre elles font la une des journaux sans avoir été vérifiées.»
«Une partie de la solution pourrait donc consister à publier moins et plus soigneusement, plutôt que d’investir dans une nouvelle expansion de la communication scientifique. La science devrait résister à la tentation de suivre chaque tendance ou de publier chaque résultat. La mission de la science n’est finalement pas de gagner en visibilité, mais d’explorer le monde. Car la science ne devient pas plus crédible lorsqu’elle crie plus fort, mais lorsqu’elle parle plus clairement – et seulement lorsqu’elle a quelque chose à dire.»
6 Mai 2025
«La curiosité en toutes lettres»
Rudolf Mahrer, «professeur de linguistique à l’Université de Lausanne, par ailleurs directeur du programme d’enseignement en sciences humaines et sociales de l’EPFL, a mis sur pied le cours Saussure, du nom de celui qu’on a longtemps considéré comme le père de la linguistique moderne. Destiné aux élèves vaudois, ce programme novateur leur propose, en complément de la 11H puis du gymnase, de développer savoirs et compétences dans le domaine des humanités, moins pour accélérer leur futur cursus universitaire que pour nourrir leur curiosité critique. «Nous ne cherchons pas à dépister les futurs spécialistes mais bien à stimuler la créativité sociale!» revendique l’initiateur.»
25 Avr 2025
«Nous ne pouvons pas comprendre les menaces qui pèsent sur l’enseignement supérieur américain si nous rejetons toutes les critiques»
Jonathan Zimmerman, professeur d’histoire de l’éducation à l’université de Pennsylvanie et membre du conseil consultatif du Centre Albert Lepage pour l’histoire dans l’intérêt public, invite le monde académique américain à «lutter contre les menaces venant de l’extérieur», mais aussi et surtout à «regarder à l’intérieur» pour voir comment le monde scientifique peut «s’améliorer». Le professeur écrit:
«Encore une fois, il faut féliciter Harvard – et les autres écoles qui se sont exprimées – d’avoir riposté. Mais cela ne doit pas nous empêcher de nous demander pourquoi tant d’Américains n’aiment pas les universités. En 2015, selon les sondages Gallup, 57 % des adultes exprimaient une grande confiance dans l’enseignement supérieur. En 2024, ils n’étaient plus que 36 %. Parmi les personnes qui n’avaient pas confiance en nous, 41 % ont cité nos programmes politiques : nous étions trop libéraux ou nous essayions d’endoctriner les étudiants pour qu’ils partagent nos préjugés. Environ un tiers d’entre eux ont déclaré que nous n’enseignions pas de compétences utiles et un quart que nous étions trop chers.»
Il conclut: «Nous ne pouvons pas comprendre les menaces qui pèsent sur les universités si nous rejetons toutes les critiques à leur égard en les qualifiant d’ignorantes ou de malavisées. Et le fait de se demander comment nous avons pu commettre des erreurs ne renforce pas Trump.»
11 Avr 2025
«Science et politique, les liaisons dangereuses»
Pour Marie-Hélène Miauton, entrepreneuse et essayiste, «Trop de scientifiques confondent science et politique! Ils portent ainsi atteinte à la crédibilité de leur milieu puisque, aux yeux du grand public, ils sont les garants d’une neutralité factuelle, d’une objectivité rassurante dans un monde complexe, d’une saine distanciation face aux émotions qui aveuglent.»
Parmi les trois exemples, elle nomme « la politisation qui règne désormais dans les universités romandes, sous couvert de soutien à la Palestine, en contradiction flagrante avec la mission et les principes de l’alma mater».
- rôle des scientifiques
- engagement politique
- rôle des universités
- image de la science
- conflit israélo-palestinien