Une vaste enquête a été menée par la NZZ sur «l’étrange cas du professeur de l’EPFZ Tom Crowther». Des accusations de harcèlement sexuel publiées dans les journaux du groupe Tamedia en août et décembre 2024 ont participé à atteindre la carrière du chercheur britannique, dont le contrat n’est pas prolongé et dont le groupe de recherche (une équipe de 40 doctorant·es, post-doctorant·es, scientifiques et autres collaborateur·trices) est dissous. Dans cette affaire, le droit d’être entendu de l’accusé semble avoir été abrogé. Les recherches de la NZZ indiquent que l’affaire est moins simple que ne le laisse supposer le compte-rendu de Tamedia. «Il s’agit d’une vidéo de téléphone portable qui a été transformée en affaire. Il s’agit d’accusations contre un professeur qui semblent douteuses. Et il s’agit d’une université qui laisse tomber son employé dans une procédure étrange.»
En effet, deux éléments semblent être particulièrement problématiques dans cette affaire.
Les articles du groupe Tamedia concernant le professeur accusé sont orientés vers les plaignant·es. Dans le premier article sur l’affaire publié août, les propos du professeur Tom Crowther sont à peine exposés et les éléments avancés en sa faveur ne sont pas repris. Dans le deuxième article publié en décembre, «Crowther ne s’exprime pas dans le texte. L’école supérieure lui avait demandé de ne pas s’adresser aux médias.»
Ensuite, la gestion de la crise par l’EPFZ est menée par «une procédure étrange», dans laquelle le professeur n’aura pas le droit d’être entendu. L’EPFZ a demandé à un cabinet d’avocats de la soutenir dans ses investigations en fournissant un rapport. Bien qu’on lui promette qu’il sera entendu, le professeur Tom Crowther doit garder le silence dans un premier temps. «Dannath [vice-présidente de l’EPFZ] rappelle à Crowther qu’il ne peut parler des accusations ni avec les collaborateurs de son groupe de recherche, ni avec ses partenaires, ni avec d’autres journalistes.» Et durant la procédure menée par ce cabinet d’avocat, «contrairement à ce qu’avait assuré le président de l’EPFZ en août, [Tom Crowther] n’a pas été interrogé.» Recevant le rapport du cabinet début décembre, l’EPFZ décide instantanément la mise à pied de Tom Crowther, dans un premier temps jusqu’à fin janvier. Le professeur peut emporter chez lui le rapport, dont «il ne peut en parler à personne, sauf à son avocat». «Mais les accusations contenues dans le rapport restent anonymes. Il ne s’agit pas d’une enquête officielle, mais seulement d’une clarification informelle, explique Julia Dannath. Cela signifie aussi que les preuves qui soutiendraient la perspective de Crowther ne sont pas demandées. Le professeur doit simplement accompagner le rapport de commentaires écrits.» Ainsi, «le professeur tente de réfuter le rapport du cabinet d’avocats. Il mentionne des documents qu’il n’a pas le droit de produire. Il fait référence à 44 collaborateurs, actuels et anciens, qui ont voulu l’aider et auxquels il n’a pas pu répondre, car l’EPF le lui avait interdit. En vain.» Finalement, le 17 janvier, le professeur mis à pied est tout de même officiellement interrogé. «Ce n’est que maintenant – alors qu’il est déjà clair qu’il doit quitter l’école supérieure – que Crowther peut présenter ces documents et prendre personnellement position», écrit la NZZ. «Le 20 février, Tom Crowther est finalement autorisé à prendre personnellement position sur les accusations de harcèlement – et à présenter d’autres documents : chats, photos, témoignages. Il l’avait demandé à Julia Dannath fin janvier. «There is so much evidence that I have not had the chance to show you», écrit-il dans un e-mail à la vice-présidente de l’EPFZ. Dannath lui assure que le rapport final de l’ensemble des investigations sur le cas Crowther sera rédigé de manière équitable. Ce document devrait être publié dans les semaines à venir.»
La NZZ, au vu du déroulé des procédures et publications, des interdictions de parole et de défense, se demande: «le professeur avait-il seulement une chance équitable de se défendre ?»
«Ce cas montre que les universités peuvent très vite se retrouver en difficulté lorsqu’elles doivent lutter contre de graves accusations portées en public contre un cadre supérieur. […] Après l’article de Tamedia cet été, l’ETH aurait pu garder son calme et analyser la situation avec précision. Elle a opté pour une autre voie. Au final, cette histoire ne laisse que des perdants : les journaux de Tamedia, qui pensaient avoir découvert un scandale et qui ont échoué en justice avec leur thèse. L’EPF de Zurich, qui a mené des enquêtes douteuses et qui ne cesse d’avancer de nouveaux arguments contre Crowther. Les collaborateurs du Crowther Lab, qui doivent se trouver un nouvel encadrant ou qui vont perdre leur emploi. Et Tom Crowther, un chercheur autrefois sollicité, qui doit tout recommencer à zéro», conclut l’article de la NZZ.