Caspar Hirschi, professeur d’histoire à l’Université de Saint-Gall, estime que tout le monde s’entend comme défenseur de la liberté académique. Mais «[f]aire usage de la liberté de la science ne signifie […] pas donner des slogans préconçus sur l’actualité politique du haut de la chaire. Il s’agit plutôt d’orienter et d’aiguiser l’intérêt pour la connaissance de manière à ce qu’elle puisse faire mal, et pas seulement aux autres, mais aussi à soi-même. Or, il est frappant de constater que les controverses actuelles sur les prétendues violations de la liberté académique ne portent pas du tout sur sa signification au sens strict de la Constitution fédérale.
Rares sont ceux qui se plaignent d’être limités dans leur propre recherche et leur enseignement.» Mais pendant que la liberté académique au sens stricte «annule» des conflits de valeur en privilégiant des valeurs scientifiques par rapports aux valeurs politiques ou religieuses, «Les sanctions infligées par les directions des universités pour des déclarations publiques faites par des universitaires dans le cadre d’appels collectifs ou de tweets personnels sont presque exclusivement des pierres d’achoppement. […] Ils concernent la liberté scientifique au mieux dans le sens large de la liberté d’expression démocratique. […] Dans la présentation polarisante de cas individuels que nous devons subir quotidiennement depuis la récente escalade du conflit au Proche-Orient, cela passe complètement inaperçu. Nous sommes contraints à l’état abrutissant de la prise de parti immédiate. Au cœur de ce conflit de valeurs se trouvent des disciplines relativement récentes telles que les études postcoloniales, les études de genre et certaines parties des sciences climatiques qui se considèrent comme « activistes ». […] Pour eux, la recherche est indissociable des revendications politiques. Cela repose sur la constatation – correcte – que les valeurs scientifiques ne sont jamais totalement indépendantes des préférences idéologiques, et sur la conclusion – erronée – que les valeurs scientifiques ne peuvent pas non plus prétendre à une validité autonome. C’est pourquoi les chercheurs activistes lient directement des valeurs politiques telles que la diversité, l’anti-discrimination ou la justice climatique à la valeur scientifique de la critique et la prennent «à une courte laisse» idéologique. Celui qui refuse cette étroitesse de la critique peut être boycotté en même temps comme non scientifique et réactionnaire. Les défenseurs classiques de la liberté scientifique s’y sont opposés, mais ont à leur tour pris plaisir à boycotter les boycotteurs, ce qui a permis aux chercheurs activistes de redécouvrir la liberté scientifique à leur profit. Mais son véritable objectif a été perdu de vue depuis longtemps dans ce spectacle indigne de l’annulation («Cancel-Spektakel»).
- rôle des scientifiques
- engagement politique
- liberté académique
- rôle des universités
- liberté d’expression