«Une chercheuse russe, à l’École de médecine de la célèbre université, est menacée d’expulsion vers son pays d’origine qu’elle avait fui pour des raisons politiques.»
15 Mai 2025
15 Mai 2025
«Une chercheuse russe, à l’École de médecine de la célèbre université, est menacée d’expulsion vers son pays d’origine qu’elle avait fui pour des raisons politiques.»
13 Mai 2025
Interview sur la liberté de la science et la mise en danger de la démocratie avec Luciana Vaccaro, présidente de swissuniversities et rectrice de la Haute École spécialisée de Suisse occidentale, et Walther Rosenthal, président de la Conférence allemande des recteur·ices d’université.
Luciana Vaccaro et Walther Rosenthal affirment que nous sommes en train de vivre une des plus grandes atteintes à la liberté académique. En Suisse, pour l’instant, l’EPFZ est la seule institution à avoir reçu un questionnaire des Etats-Unis, faisant acte de pression. En Europe, la plus grande menace actuellement est probablement de perdre l’accès à des banques de données très importantes aux Etats-Unis. Bien que les chercheur·euses réalisent des copies de ces bases, «cela ne peut pas remplacer la mise à jour quotidienne de ces bases de données», explique Walther Rosenthal. Luciana Vaccaro affirme: «Nous devons absolument devenir plus souverains. Nous devrions réfléchir en Europe, en tant que continent, à notre propre base de données, à nos propres clouds.»
Actuellement des étudiant·es et chercheur·euses d’Europe ne participent plus aux conférences qui ont lieu aux États-Unis, certain·es n’étant même pas autorisé·es à entrer sur le territoire américain. A l’inverse, des scientifiques américain·es n’ont pas été autorisé·es à venir en Europe.
Alors qu’il y a actuellement plus de demandes de candidatures en provenance des Etats-Unis, Luciana Vaccaro s’attend surtout à ce que «beaucoup moins de personnes de Suisse ou de l’UE aillent aux États-Unis». «Nous devons maintenant veiller à ce que les talents restent ici.» Pour Walther Rosenthal, l’Europe ne devrait pas «mener une guerre des talents» en s’efforçant d’activement attirer des scientifiques américain·es.
Walther Rosenthal affirme: «La science en Europe doit devenir plus attrayante. L’objectif de 3% n’est atteint que dans quelques pays de l’UE. Mais nous avons aussi trop de bureaucratie en Europe.»
De son côté, Luciana Vaccaro déclare: «Nous devons faire trois choses : premièrement, investir davantage dans la recherche, car il en va de notre souveraineté et de notre prospérité. […] Deuxièmement, nous devons protéger la liberté académique. Et troisièmement, nous devons continuer à mener une politique de portes ouvertes. 50% des professeurs des universités suisses sont des étrangers, dans les hautes écoles spécialisées, ils sont 30%. Nous avons un système de concurrence ouvert que nous devons maintenir.» Elle ajoute encore: «Le Conseil fédéral a proposé les mesures d’économie avant que la crise géopolitique ne s’aggrave. Je pense qu’à un moment où la souveraineté est globalement menacée, les réflexions seront différentes. Faire des économies aurait des conséquences dramatiques, et pas seulement pour les universités : L’économie manquerait de personnel qualifié.»
Finalement, les président·es d’université s’accordent sur l’importance des sciences humaines, alors que l’Europe ne semble «s’intéresser qu’aux disciplines techniques». Luciana Vaccaro déclare ainsi: «Le progrès le plus important du siècle dernier a été notre démocratie. Il y a cent ans, je n’aurais pu ni étudier, ni travailler, ni voter. Nous devons défendre cela. Ces jours-ci, nous voyons à quel point ces acquis sont fragiles. C’est pourquoi nous continuons à encourager fortement les sciences humaines en Suisse. L’éducation est la meilleure protection contre l’extrémisme.» Walther Rosenthal ajoute: «Je suis tout à fait d’accord. D’un point de vue global et chez nous aussi en Allemagne, de moins en moins d’étudiants choisissent ces matières. Cela me préoccupe. Pour comprendre la radicalisation politique, par exemple, nous avons besoin de sociologues et de psychologues. Et la société a également besoin d’études sur le genre, même si Trump ne veut pas l’admettre.»
13 Mai 2025
«Tour d’horizon des mesures prises par le gouvernement de Donald Trump et de leur impact sur les étudiantes et étudiants de l’EPFL.»
12 Mai 2025
Depuis fin avril, plusieurs revues savantes américaines ont reçu un courrier inquisiteur de la part du procureur fédéral du district de Columbia, Edward R. Martin, leur reprochant d’être partisanes dans le débat scientifique. «Le public a certaines attentes et vous avez des responsabilités», leur écrit le procureur.
Deux revues consacrées aux liens santé-environnement ont annoncé le 23 avril «avoir suspendu, jusqu’à nouvel ordre, la réception des articles de recherche et études qui leur sont soumis pour publication, «en raison de changements récents dans les moyens opérationnels» qui leur sont alloués».
Interrogés, les National Institutes of Health (NIH) «assurent que la mise en pause actuelle n’est pas le signe de la fin du journal: il s’agirait d’opérer «une transition vers un modèle plus rationnel maintenant la capacité d’EHP [une des revues (Environmental Health Perspectives) ayant stoppé ses nouvelles publications] à publier des recherches à fort impact».
Manolis Kogevina, rédacteur en chef adjoint de la revue, «estime pour sa part que la revue devrait sortir du giron des institutions fédérales et être cédée à une organisation tierce si elle veut poursuivre ses activités librement». «Il semble que l’administration [américaine] actuelle ne soit pas en mesure de garantir l’indépendance du journal, dit le chercheur. On ne peut pas publier une revue scientifique dans ces conditions.»
12 Mai 2025
Entretien sur la liberté de la science avec Mitchell Ash, historien des sciences et professeur émérite d’histoire du début de l’ère moderne à l’Université de Vienne, américain d’origine.
Pour l’historien, la stratégie du président américain est la suivante: «on s’attaque à une université, et si elle cède, on s’attaque à la suivante. On monte ainsi les universités les unes contre les autres, selon la devise «diviser pour mieux régner».» Le fait que le gouvernement veuille maîtriser la politique du personnel des universités, orientée vers le mot-clé DEI (Diversity, Equity and Inclusion) «est vraiment inadmissible. Car la politique du personnel est un élément important de la liberté scientifique, c’est-à-dire de la question de savoir qui peut faire de la recherche et enseigner.»
Mais pour Mitchell Ash, cette action contre les universités ne serait qu’une partie d’une stratégie globale. «En outre, le régime tente de contrôler le contenu de la recherche, un autre élément de la liberté scientifique. Il fait dépendre les fonds de recherche de l’apparition de certains mots comme diversity ou gender dans les demandes de recherche. […] C’est la culture du cancel à l’état pur. Jusqu’à présent, la cancel culture était un reproche des conservateurs contre les gauchistes. Mais maintenant, cela s’exerce réellement, et d’une manière que même de nombreux conservateurs trouvent effrayante.»
En Europe, la liberté de la science, c’est-à-dire le libre choix des thèmes de recherche et le libre choix des organes de publication, est aussi menacée. «En Allemagne, beaucoup de choses passent par ce que l’on appelle le Deal Consortium. Il est censé améliorer l’accès à la recherche en concluant des contrats avec de grands éditeurs. Cela semble bien, mais il y a un hic: ceux qui veulent publier en dehors de ces structures ont souvent moins de chances dans la profession ou sont discriminés à l’université. Cela limite la liberté de décider soi-même où et comment publier sa recherche – et c’est précisément l’un des fondements de la liberté scientifique. Elle est donc structurellement menacée. C’est presque plus dangereux, car cela ne concerne pas seulement les «fauteurs de troubles» dans les sciences sociales et culturelles, mais toutes les disciplines.»
Est-ce que l’Europe peut profiter de ce qu’il se passe aux Etats-Unis, par de la fuite des chercheur·euses par exemple ? «En Europe aussi, l’argent est rare. Et cela ne résout pas le problème global. […] L’évolution actuelle ne peut en fait profiter qu’à la Chine. Le pays est déjà en tête en ce qui concerne le nombre de publications de haute qualité.» Étant donné que la Chine n’est pas une démocratie, il n’y existe pas de liberté scientifique, toutefois «une sorte de flexibilité scientifique» y est présente. «Le régime laisse faire les chercheurs s’il voit un intérêt à long terme. En l’occurrence, la chronologie du Parti communiste chinois est différente de celle des Etats-Unis, où des élections ont lieu tous les deux ans. Ils comptent en décennies et en générations.»
Finalement, pour l’historien, l’exil des cerveaux américains «n’est pas une solution» pour le contexte actuel du monde de la recherche américain. «Cela sauve bien sûr la psyché individuelle de la pression. Mais ce n’est pas une solution pour le système. Je ne dis pas cela comme une critique fondamentale, c’est simplement une description objective de cette stratégie. Les stratégies qui sont efficaces sont institutionnelles. C’est ce que fait Harvard actuellement. L’université se défend et poursuit le gouvernement en justice. Nous verrons si cela aboutit.»
8 Mai 2025
L’historienne des sciences juive de Harvard Naomi Oreskes évoque les raisons des attaques de l’administration Trump et les éventuels aspects positifs qu’elles pourraient avoir.
La professeure déclare: «Il y a eu des problèmes d’antisémitisme à Harvard. Mais les attaques du gouvernement américain contre l’université sont motivées par des raisons politiques. […] L’administration Trump fait toute une histoire de l’antisémitisme. Pourtant, Harvard fait également état d’hostilité envers les musulmans. Mais le gouvernement ne défend pas les étudiants musulmans. Cela montre qu’il y a quelque chose de louche.» (NZZ)
La professeure ajoute: «Je pense que les coupes budgétaires soulèvent des questions légitimes [comme par exemple] la question de l’équilibre entre les disciplines à l’université. […] La répartition des subventions a entraîné une croissance des sciences naturelles et de l’ingénierie au détriment de nombreux autres domaines, dont les sciences humaines traditionnelles, les sciences sociales et les arts. Cela a entraîné un énorme déséquilibre intellectuel, [alors que] les sciences historiques et culturelles font partie des moyens les plus importants pour comprendre le monde. Le monde a aussi besoin de nous. […] Les faits ne sont pas des choses simples. Il faut beaucoup de travail pour les ancrer dans la société. Pour cela aussi, les sciences humaines et sociales sont nécessaires.» (Tages-Anzeiger)
La professeure conclut: «Si l’évolution actuelle conduit à une institution [Harvard] peut-être un peu plus autocritique, peut-être un peu moins exagérément focalisée sur les sciences naturelles et la technique, et qui se penche plus intensément sur l’éventail de disciplines, d’approches et de points de vue dont nous avons besoin, je trouve que c’est une bonne chose.» (Tages-Anzeiger)
8 Mai 2025
Jeudi dernier, les National Institutes of Health ont annoncé geler une grande partie de leurs financements internationaux. Cette décision touche des dizaines d’organisations suisses, parmi lesquelles les université de Berne (3,9 millions de dollars), Lausanne, Fribourg et Genève qui ont reçu des financements au cours des deux dernières années.
«Les sommes provenant des États-Unis sont souvent relativement modestes, tempère l’immunologiste français Alain Fischer pour «Euronews»: en ce sens, la nouvelle politique est «plutôt symbolique». Même sans financement direct, de nombreuses formes de coopération restent envisageables. Néanmoins, cette décision américaine représente un obstacle supplémentaire à la coopération scientifique internationale, dans un contexte de forte concurrence pour les financements.»
6 Mai 2025
«Face au « diktat » de l’administration Trump en matière de recherche, Ursula von der Leyen et Emmanuel Macron ont annoncé lundi des enveloppes de plusieurs centaines de millions d’euros pour attirer en Europe et en France les scientifiques étrangers, particulièrement menacés aux États-Unis.» L’objectif du programme «Choose Europe for Science» est de réaffirmer la recherche comme un enjeu de développement économique et de positionner la France et l’Europe comme des espaces de stabilité et de liberté académique. La Commission européenne va proposer une nouvelle enveloppe de 500 millions d’euros pour la période 2025-2027.
Dans une interview avec la RTS, Luciana Vaccaro, présidente de swissuniversities et rectrice de la Haute École spécialisée de Suisse occidentale, juge que cette enveloppe budgétaire est également un moyen de garder «nos» chercheurs, puisqu’il y a une «fuite de cerveaux» en Suisse et à l’Union européenne.
5 Mai 2025
«Jocelyne Bloch et Grégoire Courtine, reconnus internationalement pour leurs travaux ayant permis à des patients paraplégiques de remarcher grâce à l’utilisation de technologies reconnectant le cerveau à la moelle épinière, ont récemment été nommés, par le média américain Washington Post, parmi les 50 personnalités qui façonneront 2025.» Il et elle sont interviewé·es dans ce cadre par Le Temps, «l’occasion de parler de l’attaque américaine contre la science, des développements attendus de leur recherche, mais aussi de leur communication très «glamour»…» Il et elle déclarent, entre autres:
Grégoire Courtine: «Il est crucial de se rappeler que tous les grands problèmes de l’humanité ont été résolus grâce aux avancées scientifiques et que les enjeux immenses auxquels nous faisons face, comme le réchauffement climatique ou l’approvisionnement en énergie, ne seront pas réglés par des politiques conservatrices, agressives et restrictives. Il est donc fondamental d’investir encore davantage dans la science et non de couper les financements dans ces secteurs.»
Jocelyne Bloch:«Une partie de notre financement, à hauteur de 6 millions, provient du Département de la défense des Etats-Unis. […] On nous a récemment demandé d’ôter toutes les mentions faisant référence à la non-binarité au sein de nos essais cliniques, faute de quoi ces fonds nous seraient retirés. Il est malheureusement difficile de s’opposer à une telle injonction.»
Grégoire Courtine: «[Le fait que les universités forment peu les jeunes scientifiques à l’entrepreneuriat] est l’un des problèmes que l’on a en Suisse, en tout cas assurément à l’EPFL. Surtout si l’on compare notre situation à celle du Massachusetts Institute of Technology ou de Stanford, où les étudiants sont davantage préparés à ce que cela signifie de monter une entreprise.»
Grégoire Courtine: «Nous mettons beaucoup d’efforts dans l’illustration de nos résultats scientifiques afin qu’ils soient compris par le plus grand nombre et que les contribuables voient que leur argent sert une recherche qui a potentiellement un impact sur l’être humain.»
2 Mai 2025
A travers un commentaire publié dans la NZZ, Margit Osterloh, professeure (em.) à l’Université de Zurich et directrice de recherche au Center for Research in Economics, Management and the Arts (Crema) à Zurich, met en parallèle le trumpisme avec le wokisme. «Aujourd’hui, les chercheurs de gauche comme de droite se voient volontiers imposer des prescriptions politico-idéologique», déclare-t-elle. Elle écrit:
Alors que «Donald Trump remet actuellement radicalement en question la liberté de la science […], il existe cependant aussi des témoignages selon lesquels la recherche était déjà soumise à une pression considérable aux États-Unis. Dans les universités, pendant la phase de domination woke, un esprit du temps intolérant a conduit à la Cancel Culture et à des restrictions de la liberté de parole et de recherche.» L’auteure met en particulier en parallèle la liste des mots interdits dans la recherche par Trump avec l’imposition du langage inclusif dans certaines administrations de l’espace culturel germanophone. Elle mentionne également les différentes discriminations à l’embauche liées aux quotas ou à des programmes d’égalité et de promotion des femmes.
La professeure note cependant deux différences importantes entre le trumpisme et le wokisme. Premièrement, «l’administration Trump impose «d’en haut» les termes autorisés dans le discours scientifique et les thèmes qui peuvent faire l’objet de recherches» alors que «les restrictions du wokisme ont été une initiative «d’en bas»». Deuxièmement, «le gouvernement Trump a complètement abandonné [l’]exigence de vérité fonctionnelle» de la recherche scientifique.
1 Mai 2025
Interview dans Bilan de la nouvelle présidente de l’EPFL Anna Fontcuberta i Morral sur les axes de recherche l’EPFL, la place de l’institution dans la recherche internationale et dans l’entrepreneuriat romand, ainsi que sur les différents contextes actuels touchant aux politiques universitaires. «Ce qui est frappant aujourd’hui, c’est que nous recevons des candidatures de scientifiques de très haut niveau provenant de l’autre côté de l’océan, qui n’auraient probablement jamais postulé il y a encore deux ans. Certains chercheurs, jusque-là bien établis aux États-Unis, commencent à s’interroger sur leur avenir», confie-t-elle.
1 Mai 2025
Deux rapports sur l’Université de Harvard de plusieurs centaines de pages ont été publiés mardi par l’institution, établissant qu’«un climat antisémite et anti-musulman s’était installé sur le campus». Les rapports ont été construits notamment à partir de questionnaires et de témoignages d’étudiant·es et d’encadrant·es menés depuis janvier 2024.
««Harvard ne peut pas – et ne va pas – tolérer l’intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement», s’engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l’initiative des deux rapports, en promettant de «superviser la mise en œuvre des recommandations préconisées.»»
1 Mai 2025
Le Temps révèle que «des données issues du site d’emploi scientifique Nature Careers montrent que les chercheurs américains sont nombreux à chercher un poste à l’étranger depuis l’élection de Donald Trump. Le désintérêt pour les Etats-Unis se confirme aussi.»
25 Avr 2025
Le 17 avril 2025 des douzaines de rabbins diplômés de l’Université de Brown avaient adressé une lettre à la présidente de l’université: «Ne cédez pas le contrôle à ceux qui utilisent l’antisémitisme comme une arme». Celle-ci doit actuellement réfléchir à la manière de réagir à la menace de l’administration Trump de réduire son financement de 500 millions de dollars, prétendument en raison de la gestion par Brown de l’antisémitisme sur le campus. Brown fait partie du nombre croissant d’universités qui sont menacées par des coupes similaires de la part du gouvernement américain.
Egalement la semaine dernière, des membres de la communauté juive de Harvard, du Emerson College, de l’université de Georgetown et d’autres universités ont exprimé leur désaccord. A Harvard, plus de 100 étudiant·es juif·ves ont signé une lettre dénonçant l’annonce faite par l’administration Trump au début du mois de revoir 9 milliards de dollars de financement fédéral pour l’école. La lettre, qui n’est pas prise en compte par le président de Harvard, a été rédigée avant que le gouvernement ne gèle 2,2 milliards de dollars de subventions cette semaine. Des lettres ouvertes similaires de la communauté juive universitaire ont été rédigés dans les universités de Georgetown et Berkeley et de dix grandes organisations juives, dont des leaders des mouvements réformiste, conservateur et reconstructionniste, ont publié mardi (22.04.2025) une déclaration commune.
Les critiques viennent également d’Israël. Jeudi, plus de 170 universitaires israéliens ont dénoncé les arrestations du gouvernement dans une lettre ouverte, dans laquelle ils écrivent que « de telles mesures draconiennes ne nous protègent pas » et dénoncent « l’invocation cynique de la “lutte contre l’antisémitisme” » comme raison des mesures de l’administration.
«Mais il existe aussi des soutiens juifs à ces mesures, notamment lorsqu’il s’agit de supprimer les visas des étudiants qui s’engagent contre Israël. Plusieurs groupes d’activistes se sont donné pour mission d’identifier les étudiant·es et de faire un rapport sur eux [et elles] à la Maison Blanche. La pression financière exercée sur les universités trouve également des partisans juif·ves.»
Cependant, selon Tachles, de plus en plus de signes indiquent que les coupes budgétaires – des milliards de dollars sont en jeu à ce jour – pourraient avoir dépassé même les intérêts des critiques les plus ambitieux de l’antisémitisme dans les universités. «Vendredi matin, le directeur exécutif de l’Anti-Defamation League, Jonathan Greenblatt, a intensifié sa critique de la politique universitaire de l’administration Trump. Selon lui, Harvard et d’autres écoles ont de véritables défis à relever en matière d’antisémitisme et s’amélioreront davantage par le soutien que par des sanctions sévères. Si des sanctions devaient être prises, elles ne devraient l’être que dans de rares cas et de manière très ciblée.»
La journaliste Suzanne Nozzel du journal américain juif en ligne [qui avait publié un article presque identique de celui de Tachles] écrit : «Au-delà du simple retour de bâton [contre la communauté juive], les actions de l’administration Trump au nom de la lutte contre l’antisémitisme sur les campus posent des risques plus profonds. L’affaiblissement des universités en tant qu’institutions autonomes portera atteinte à un moteur essentiel de la mobilité sociale, de l’intégration et de la réussite professionnelle des Juifs et de tous les autres. Punir les universités en retenant les fonds fédéraux touchera en premier lieu les sciences et la médecine, domaines dans lesquels les Juifs ont depuis longtemps trouvé une grande réussite professionnelle.»
Les universités dans le collimateur devraient donc redoubler d’efforts pour contrer l’envahissement idéologique, renforcer le soutien aux étudiants juifs et consolider la discipline neutre en termes de points de vue, nécessaire pour maintenir les campus ouverts et sûrs pour toutes et tous. Ils devraient écouter les étudiant·es et les enseignant·es juif·ves qui ont des points de vue différents sur ces défis et sur ce qui pourrait les améliorer ou les exacerber. «L’urgence suscitée ces dernières semaines devrait être un catalyseur non seulement pour repousser l’administration Trump, mais aussi pour accélérer les réformes attendues depuis longtemps pour diversifier intellectuellement les facultés, embrasser la pensée hétérodoxe et faciliter le dialogue au-delà des différences. Les efforts crédibles pour éradiquer l’antisémitisme doivent aller au-delà des campus et s’attaquer à la haine des Juifs, qu’elle vienne de la droite ou de la gauche. La tactique la plus efficace pourrait consister à renforcer les institutions et les communautés juives en tant que refuges, mais aussi en tant que fondements de la sensibilisation et de la construction de ponts vers les autres.»
25 Avr 2025
Jonathan Zimmerman, professeur d’histoire de l’éducation à l’université de Pennsylvanie et membre du conseil consultatif du Centre Albert Lepage pour l’histoire dans l’intérêt public, invite le monde académique américain à «lutter contre les menaces venant de l’extérieur», mais aussi et surtout à «regarder à l’intérieur» pour voir comment le monde scientifique peut «s’améliorer». Le professeur écrit:
«Encore une fois, il faut féliciter Harvard – et les autres écoles qui se sont exprimées – d’avoir riposté. Mais cela ne doit pas nous empêcher de nous demander pourquoi tant d’Américains n’aiment pas les universités. En 2015, selon les sondages Gallup, 57 % des adultes exprimaient une grande confiance dans l’enseignement supérieur. En 2024, ils n’étaient plus que 36 %. Parmi les personnes qui n’avaient pas confiance en nous, 41 % ont cité nos programmes politiques : nous étions trop libéraux ou nous essayions d’endoctriner les étudiants pour qu’ils partagent nos préjugés. Environ un tiers d’entre eux ont déclaré que nous n’enseignions pas de compétences utiles et un quart que nous étions trop chers.»
Il conclut: «Nous ne pouvons pas comprendre les menaces qui pèsent sur les universités si nous rejetons toutes les critiques à leur égard en les qualifiant d’ignorantes ou de malavisées. Et le fait de se demander comment nous avons pu commettre des erreurs ne renforce pas Trump.»
25 Avr 2025
«Le président américain Donald Trump s’est déchaîné jeudi contre Harvard. Il a accusé la prestigieuse université, l’une des mieux classées au monde, d’être une «institution antisémite d’extrême gauche» et une «menace pour la démocratie», dans un long message sur son réseau Truth Social.» Il a également appelé à virer l’avocat recruté comme conseiller de la Trump Organization, qui avait aussi été chargé par Harvard de défendre l’université face à la Maison-Blanche.
«Un détournement du combat contre l’antisémitisme» qui vise à «couper le financement d’universités et à les punir gratuitement», ont publié jeudi cinq sénateurs démocrates de confession juive dans une lettre ouverte adressée à Donald Trump.
Mercredi, le président américain a signé de nouveaux décrets «censés empêcher les idées progressistes de se répandre dans les écoles. L’un des textes promet ainsi de renforcer les attributions des enseignants et des écoles en matière de «discipline». Un autre vise les organismes qui évaluent les performances des universités et leur éligibilité à des financements fédéraux (accreditors), accusés par le camp Trump d’être «basés sur une idéologie «woke»» et non sur le mérite. Par «woke», la Maison-Blanche et plus largement la droite américaine désignent les idées visant à promouvoir la diversité.» (Le Temps)
25 Avr 2025
Si la France a sans doute pris les devants en tentant d’attirer les universitaires américains, l’Allemagne a elle aussi des projets. Le plan du nouveau gouvernement prévoit un programme «1000 têtes» pour attirer les talents scientifiques internationaux. Il promet également une procédure de visa plus souple pour les universitaires et les étudiant·es venant de l’étranger.
«En ces temps de polarisation mondiale, nous maintenons l’Allemagne en tant que destination attrayante et havre de liberté académique pour les chercheurs du monde entier », indique le plan, bien qu’il ne mentionne pas explicitement les États-Unis ou son président Donald Trump.
24 Avr 2025
Alors que 56 millions de dollars américains financent actuellement des projets académiques en Suisse (RTS), «à ce jour, aucune université ni institution académique de Suisse romande n’a encore osé dénoncer officiellement les attaques de l’administration Trump visant les milieux de la recherche scientifique.» En France, les plus hauts responsables de centres de recherche français ont pourtant pris la parole. Le 6 mars, le CNRS officialisait son soutien au mouvement «Stand up for science».
«Des réactions, c’est pourtant une des choses que l’on pourrait espérer, et pas seulement des universités à titre individuel, mais aussi des organisations faîtières, comme Swissuniversities, ou au niveau des académies des sciences…» fait remarquer Julia Steinberger, professeure de socioéconomie à la Faculté des géosciences et de l’environnement de l’Unil, coautrice du sixième rapport d’évaluation du GIEC et par ailleurs coprésidente du Collectif pour la liberté académique, la démocratie et la solidarité (CLADS). «Toutes les collaborations internationales qui utilisent les données de la science de la Terre, météorologiques ou sur le climat sont menacées, de fait», résume-t-elle. Elle explique l’absence de déclarations de la part des institutions suisses par «la peur de se faire taper sur les doigts, dans un contexte de coupes budgétaires qui affectent déjà les milieux de la recherche sur le plan national».
En effet, «cette semaine, les syndicats SIT et SSP, l’association ACCORDER et la CUAE ont envoyé aux étudiant·es et au personnel de l’Unige un appel à manifester le mardi 29 avril, en reprenant le slogan américain «Stand up for science»… mais pour dénoncer les 460 millions de francs de coupes budgétaires prévues par le Conseil fédéral dans les universités et hautes écoles suisses.»
Des discussions concernant les répercussions des politiques américaines anti-science ont toutefois lieu au sein de swissuniversities ou du Triangle Azur, le réseau de coopération des universités de Genève, de Lausanne et de Neuchâtel. Néanmoins, il n’existe aucune politique spécifique d’accueil des scientifiques américain·es.
Actuellement, onze projets collaboratifs sont en cours entre le Fonds national suisse (FNS) et la National Science Foundation (NSF), mais il est impossible pour le moment de savoir pour le FNS «si, et dans quelle mesure, d’éventuelles futures coupes budgétaires auront un impact sur [c]es projets collaboratifs».
24 Avr 2025
Une dizaine d’universités et de hautes écoles suisses bénéficient actuellement de subventions du gouvernement américain pour un total de 56,4 millions de dollars. Au total, durant ces dix dernières années, ce sont 136,7 millions de dollars qui ont subventionné une quinzaine d’établissements suisses. Cet argent représente moins de 2% du financement des universités helvétiques. En effet, à titre de comparaison, le Fonds National Suisse a versé un total de 6,38 milliards de francs aux universités cantonales et 2,77 milliards au domaine des EPF entre 2014 et 2024. Toutefois, dans un contexte de mise sous pression des subventions helvétiques pour les domaines de la recherche et de la formation, les subventions américaines ne sont pas négligeables, en particulier dans la stratégie de diversification des sources de financement.
Les plus grands bénéficiaires des subventions américaines sont l’Université de Berne pour la recherche spatiale, l’EPFL qui a reçu des fonds majoritairement issus du Département de la défense, et l’Université de Zurich pour la recherche médicale.
Actuellement, les universités suisses sont dans l’incertitude quant à la stabilité de ces subventions. Une veille été mise en place à l’Université de Genève dans le but d’identifier l’éventuel impact de mesures américaines. En plus de fonds perdus, le domaine de la recherche suisse craint également une perte de liens stratégiques et d’échanges scientifiques entre la Suisse et les Etats-Unis.
«Au vu de la situation actuelle, un investissement fort et durable dans la recherche et l’innovation de la part de la Confédération — tant au niveau national qu’en faveur de la coopération de recherche avec l’Europe — est décisif», appelle le service de presse de l’université de Zurich. Invitée dans Forum, Estelle Revaz, conseillère nationale (PS/GE), invite également la Suisse à investir dans la recherche, la formation et l’innovation, afin de pouvoir se créer «une certaine indépendance par rapport aux Etats-Unis et à la Chine». «Malheureusement elle n’en prend pas du tout le chemin avec le dernier programme d’économies», déplore-t-elle. Elle invite également la Confédération à poursuivre des collaborations internationales avec l’Union européenne, puisque devenues «difficiles» avec les Etats-Unis. Elle ajoute que la politique de Trump envers les université est «un problème symbolique et éthique» qui «ne doit pas nous contaminer».
24 Avr 2025
«Une enquête de la revue spécialisée Nature le montre : trois chercheurs américains sur quatre envisagent de quitter le pays. Sur les 1600 personnes interrogées, certaines ont expressément cité la Suisse comme destination souhaitée, indique la rédaction sur demande.» Le bz Zeitung für die Region Basel s’est demandé si la Suisse pouvait réellement accueillir de potentiel·les chercheur·euses, alors que plusieurs pays et institutions européens sont déjà à la recherche de talents américains, telles la Grande-Bretagne, la France, la Belgique et l’Allemagne.
Alors que les universités suisses misent actuellement sur une stratégie «passive qui vise à rendre la place scientifique aussi attractive que possible et à attirer ainsi les talents», les hautes écoles n’observent pas encore d’augmentation des candidatures en provenance des Etats-Unis. Bien qu’il soit possible que la longueur des procédures de nomination soit en cause, un chercheur américain «critique l’inflexibilité des nouvelles nominations : les universités suisses ne sont pas particulièrement prêtes à accueillir des étudiants – sauf si l’on apporte la renommée d’un Thomas Zurbuchen, ex-directeur de l’agence spatiale américaine Nasa, ou d’un Didier Queloz, prix Nobel de physique. Ces deux chercheurs ont été appelés à l’ETH Zurich.» Le chercheur américain reconnu ajoute que la Suisse offre peu de postes permanents, et qu’il «observe depuis longtemps un déséquilibre entre l’excellent encouragement des jeunes chercheurs et le manque de perspectives à long terme». Finalement, il n’existe pas en Suisse d’options pour les couples de chercheur·euses. «Aux Etats-Unis, le partenaire obtient souvent un poste». Le chercheur estime donc qu’«un exode vers la Suisse n’est pas réaliste».
Alors que le conseiller aux Etats Baptiste Hurni (PS/NE) avait demandé, dans une intervention parlementaire, au Conseil fédéral d’élaborer des mesures afin de faciliter la venue en Suisse de chercheur·euses américain·es, le conseiller national Fabien Fivaz (Les Verts/NE) estime l’idée intéressante, mais questionne sa pertinence dans un contexte des mesures d’économie massives dans la formation à partir de 2027. «Pourquoi les chercheurs devraient-ils venir chez nous si nous ne pouvons pas leur offrir de perspectives ?», demande-t-il.