Tendances activistes, style de direction inapproprié, climat de peur parmi les étudiant-es : Les dysfonctionnements mis au jour à l’Institut du Proche-Orient de l’Université de Berne ont incité les responsables de l’université à supprimer l’institut dans sa forme actuelle. A la place, les sciences islamiques devraient bientôt être réorganisées et fusionnées avec d’autres disciplines.
Par ailleurs, la codirectrice de l’institut Selena Tolino a été déclassée mais elle garde un poste à responsabilité, mais «sous la supervision de la direction de la faculté». Le recteur de l’Université Christian Leumann dit que sur la base d’un rapport d’enquête, «aucun élément n’aurait justifié des mesures plus importantes.» Par ailleurs, il n’y avait pas question de renforcer les règles internes par rapport à la liberté d’expression des collaborateurs et collaboratrices.
Et pourtant, l’affaire a remis sur table la question de la place de l’engagement politique à l’université.
Antonio Loprieno, Egyptologue à Bâle, président de la Fédération européenne des académies des sciences et des humanités (ALLEA) et ancien président de swissuniversities, a mené l’enquête administrative de l’Institut d’études du Proche-Orient à l’Université de Berne. Dans une interview, il ne parle pas du contenu de son rapport, mais évoque le contexte: «Les universités sont plus qu’avant sous l’influence de la situation politique mondiale. La polarisation à laquelle nous assistons actuellement est bien plus forte que celle que nous avons connue dans les années 1970. La politique et la science étaient alors encore plus séparées.»
Et encore: «en tant que professeurs, nous devons nous efforcer de séparer strictement le travail d’information de la prise de position. Lors de la guerre en Ukraine, l’université de Berne a réagi de manière exemplaire par un travail d’information : elle a proposé des cours et des séminaires sur le sujet au sein du Centre pour la résolution des conflits, mais n’a pas pris parti.» (Der Bund)
L’article de la NZZ «Palästina-Flagge im Seminarraum» évoque le contenu du rapport: la faculté aurait encouragé une «homogénité méthodologique», selon des collaboratrices ou collaborateurs, l’opinion («Gesinnung») comptait plus que la compétence. Il était question d’un «corset idéologique» des théories postcoloniales, qui, interprètées de manière superficielle, facilitent la vision «ami-ennemi», ce qui peut avoir comme conséquence l’idée que le Hamas est une organisation de résistance et Israël un état colonial.
Selon le journaliste NZZ Thomas Ribi (dans «Der Ungeist sitzt zu tief»), «les mesures prises par la direction de l’université sont un exemple parfait de la manière dont on peut agir sans s’attaquer aux problèmes de fond.» Il note qu’au début des études postcoloniales, il n’y a pas des questions mais des certitudes, comme celle que les personnes blanches sont toujours privilégiées et racistes. «La science se caractérise par une réflexion critique sur ses fondements. Cela n’est pas plus visible dans l’islamologie bernoise que dans les « Urban Studies » bâloises, auxquelles un rapport d’enquête interne a délivré la semaine dernière un certificat de bonne conduite. Lorsque la science et l’activisme politique sont à ce point inextricablement mêlés, le problème ne peut pas être résolu par quelques mesures administratives.»