Pour répondre à deux postulats, le Conseil fédéral a demandé à un bureau de conseil privé de considérer les options de conseils scientifiques en temps de crise. Résultat: le rapport conclut qu’une «commission ad-hoc basée sur un réseau interdisciplinaire» est la solution la plus apte à apporter de l’expertise à la gestion de crise de la confédération. En décembre, le Conseil fédéral a alors accepté une proposition de mise en œuvre de cette idée venant de six organisations scientifiques. Celle-ci avait comme limitation de ne nécessiter ni des moyens supplémentaires, ni un amendement législatif. Et elle laisse sans réponse des questions, par exemple sur les modalités de collaboration et à partir de quel moment une situation est considérée une crise. Selon l’autrice et l’auteur de l’article (Alexandra Hofmänner, professeure invitée à la RWTH Aachen, et Dieter Imboden, professeur émérite à l’EPFZ et ancien président du Conseil pour la recherche du FNS), pendant la pandémie la solution des commissions ad-hoc n’a pas pu répondre à la très grande demande d’information venant du monde politique, des associations, médias, etc. «et il est devenu évident que la qualité des conseils en temps de crise dépend énormément des règles claires et des contacts bien rodés.»
Alexandra Hofmänner et Dieter Imboden regrettent le manque de base légale pour des conseils scientifiques et indiquent que la liberté académique est protégée seulement dans le cadre de l’enseignement et la recherche scientifique, mais que la science «englobe également une multitude d’institutions et d’organisations différentes, des procédures d’évaluation scientifique, des us et coutumes disciplinaires, des relations de travail, des organes de publication à but non lucratif et commercial et, enfin et surtout, la collaboration avec le monde politique. En outre, la science établit des normes et des directives de qualité qui façonnent notre structure sociale et notre perception de nous-mêmes. Elle est également chargée d’analyser, sous différents angles, notre savoir, notre pensée et notre action dans un monde en constante évolution. […] Dans la mesure où la Constitution fédérale ne mentionne que la recherche et l’enseignement, et non la science dans son ensemble, comme domaine d’activité de l’État, des questions importantes concernant les relations entre l’État et la science restent sans réponse.»
Selon les auteur-es, cela vaut en particulier pour le conseil politique scientifique qui, en Suisse, avec les deux formats de consultation de la Confédération – la commission extraparlementaire et la commission de recherche – n’est que peu doté en comparaison internationale et ne couvre pas suffisamment les besoins de conseil des décideurs politiques, des médias et de la société civile. Par ailleurs, il reste peu clair quel rôle la science peut ou doit jouer pour aider les gens à former une opinion.
«L’absence de canaux de collaboration entre la science et le monde politique pourrait être en partie responsable du fait que les jeunes descendent actuellement plus souvent dans la rue pour expliquer aux politiciens l’état actuel de la science et les inciter à agir. Il y a également un manque de cours de formation qui permettent d’acquérir les compétences nécessaires […] au conseil politique scientifique.» […]
«Le rôle de la science dans l’État et la société ne doit pas être mesuré uniquement à l’aune de sa contribution au progrès économique, à la prospérité et à la croissance. Elle est déterminante pour le comportement décisionnel du souverain politique et pour la cohésion sociale. C’est pourquoi, dans les démocraties libérales, la science soutient le pouvoir («ist von staatstragender Bedeutung»).»