Alors que l’université vit dans l’idéal humaniste universel de l’éducation, elle est pourtant un lieu de contradiction entre la théorie et la pratique, autant qu’entre le savoir et sa révision. L’auteur de l’article, Konstantin Sakkas, philosophe et historien, oppose deux visions du rôle de l’université : d’un coté la position «traditionnellement considérée comme néolibérale» d’être favorable à la réforme de Bologne, avec plus de normativité, standardisation et pression sur les performances ou de l’autre coté voir l’université comme une tour d’ivoire, dans laquelle on «réfléchit à la chose», sans forcément arriver à quelque chose.
L’auteur répond au commentaire de l’historien Christian Marty qui avait récemment formulé, par rapport à une récente publication sur l’oeuvre du philosophe Theodor Adorno, une critique de la vision «Bologne» dans la NZZ :
«Si l’université veut être plus qu’un simple lieu de formation, elle doit s’efforcer de former un état d’esprit qui ne se limite pas à la transmission de simples compétences utilisables professionnellement. [Theodor] Adorno a montré que l’université devrait s’occuper de l’éducation de citoyens qui se tiennent toujours à une certaine distance du monde. Il s’agit d’éduquer des personnes qui ne se soumettent ni ne se subordonnent aux pouvoirs en place, mais qui pensent contre eux et au-delà d’eux.»
Pour l’auteur invité de la NZZ Konstantin Sakkas, «ce prétendu plaidoyer [de Christian Marty] contre la fonctionnalisation et l’instrumentalisation du savoir et de la science comporte une auto-contradiction : car si le contre-projet à la préparation au métier s’appelle formation à l’idéologie et à la résistance, cet objectif est lui aussi orienté vers un but ; on doit étudier sans système pour pouvoir ensuite renverser le système (et donc en créer un nouveau).»
Pour l’auteur, l’université devrait offrir un foyer à qui refuse aussi bien la vie économique que l’activisme politique. Il serait nécessaire d’adopter des réglementations aussi larges que possible concernant le temps d’études, ainsi que de promouvoir les carrières situées en dessous du niveau professoral. «La vraie liberté autorise aussi la recherche, la volonté de ne pas se fixer, le spleen des étudiants de longue durée.»