Dans un article paru dans la NZZ, quatre historien·nes des sciences de Vienne, Brême et Zurich expliquent comment historiquement, les émotions telles que la passion, l’engagement politique, la compassion et la partialité ont été vues comme des éléments défavorisant une bonne conduite scientifique. Pourtant, «il y a eu […] d’innombrables exemples de l’interaction historique intense et de la relation tendue entre la science et l’activisme», et de nombreux mouvements sociaux après la Deuxième Guerre mondiale ont été influencés par la science (le mouvement féministe, celui des lesbiennes et des gays, celui de l’environnement et l’anti-nucléaire, ainsi que le mouvement pour le tiers monde et la paix des années 1970 et 1980). «Aussi différents que ces mouvements aient été, il s’agissait toujours, pour les activistes, de rendre visibles et de modifier les rapports de force politiques hégémoniques par la production de connaissances.» À l’époque, on parlait de contre-connaissances («Gegenwissen»), une forme de production de savoir qui s’opposait à l’ordre existant, y compris aux sciences établies. Il s’agissait de vivre et de partager d’autres économies morales que celles que l’on trouvait dans le monde scientifique. Il était également question d’établir de nouveaux formats sociaux de production et de circulation des connaissances. La devise était : faire la science soi-même. Les historien·nes concluent : «On pourrait penser que cette science «passionnée» est tombée dans l’oubli […] parce qu’elle était moins scientifique que ses homologues dans les universités. Mais c’est le contraire qui s’est produit. […] Il ne s’agit pas d’affirmer que la recherche passionnée est meilleure en soi, mais elle fait partie de la science moderne, tout comme son aspect radieux fait de faits, de prix Nobel et d’objectivité, et elle a souvent mis en lumière les aspects tout aussi politiques de la recherche prétendument neutre.»
- 05.03.2024 – Neue Zürcher Zeitung – Zwischen Wissenschaft und Aktivismus