Le journal Science alimente depuis le 13.02. un «Trump Tracker» qui traite les sujets liés à la politique du gouvernement américain par rapport aux sciences.
14 Fév 2025
14 Fév 2025
Le journal Science alimente depuis le 13.02. un «Trump Tracker» qui traite les sujets liés à la politique du gouvernement américain par rapport aux sciences.
12 Fév 2025
«Si les Etats-Unis ont souvent été considérés comme plus avancés en matière de politique d’intégrité scientifique, notamment avec la création du Bureau de l’intégrité de la recherche dès 1992, l’Europe ne peut aujourd’hui se permettre de rester spectatrice. La recherche scientifique étant par nature internationale, un démantèlement même temporaire des politiques d’intégrité aux Etats-Unis aurait des répercussions mondiales à plus ou moins longue échéance. Il revient aux organisations et aux sociétés savantes européennes de faire preuve de vigilance et de soutenir activement leurs homologues qui, outre-Atlantique, devront se mobiliser pour l’indépendance de la science.»
7 Fév 2025
Lors d’un débat d’experts sur l’impact de la géopolitique sur la recherche, deux sujets ont été beaucoup discutés.
4 Fév 2025
«Ils utilisent la peur pour nous faire taire» : Deux scientifiques expert-es en changement climatiques expriment des stratégies différentes pour survivre au programme qualifié «anti-science» du président américain Donald Trump. Rose Abramoff, professeure assistante à l’Université de Maine, avait déjà constaté pendant la dernière présidence de Trump que les scientifiques s’autocensuraient. «C’est devenu une nécessité professionnelle. […] Nous, les chercheurs en général, faisions beaucoup d’obéissance anticipée».
Un fonctionnaire anonyme de l’agence pour la protection de l’environnement EPA, qui a demandé à rester anonyme, a fait l’expérience qu’une grande partie de leur travail a été «pratiquement bloquée» pendant les quatre années où Trump était au pouvoir. «Même si Trump, Musk, Kennedy et d’autres membres du camp MAGA se présentent comme des champions de la liberté d’expression, ce fonctionnaire a constaté un effet de refroidissement contre toute référence au changement climatique causé par l’industrie des combustibles fossiles.
«Nous avons dû parler du travail différemment », expliquent-ils. Personne n’a utilisé le mot «climat». Tout le monde s’est contenté de parler des résultats du travail sur le climat («climate work»), sans nécessairement nommer le climat tel qu’il est, si cela a un sens.» Rose Abramoff y ajoute: «Dans nos nouvelles propositions [de recherche], nous dirions par exemple «nous étudions la variabilité du climat» plutôt que «la science du climat» ou «la santé des sols» plutôt que «l’impact du climat sur le cycle du carbone dans le sol»».
4 Fév 2025
La National Science Foundation (NSF), qui finance environ 25 % de la recherche universitaire fondamentale aux États-Unis, a dégelé les subventions bloquées par un décret de Donald Trump. Elle a annoncé dimanche avoir rouvert un site web qui distribue l’argent des subventions de recherche aux scientifiques. Toutefois, elle continue de passer au crible les projets de recherche, afin de se conformer aux directives de Donald Trump.
Dans ce cadre de confusion, Nature s’est entretenue avec six membres du personnel de la NSF, qui ont «tous exprimé de vives inquiétudes quant aux récentes décisions de l’agence» et ont partagé des documents clarifiant le processus d’examen des subventions. Actuellement, environ 10’000 subventions de recherche ont été signalées et distribuées à divers directeur·ices de programme, chargé·es de les examiner. Les critères de signalisation des subventions invitent les responsables de programme à rechercher un langage «élargissant la participation», l’aide étrangère, la science du climat, l’énergie domestique et les «programmes discriminatoires, y compris les DEI (diversité, équité et inclusion) illégaux».
Face à ces différentes décisions et processus, de nombreux·euses scientifiques se retrouvent dans l’incertitude et la crainte. «La semaine dernière, plus de 100 boursiers postdoctoraux qui recevaient leur salaire directement de l’agence ont été exclus du système de paiement.» Ces blocage de subventions pourraient également être préjudiciables aux chercheur·euses en début de carrière, car les subventions «sont devenues un moyen de soutenir la formation des futur·es scientifiques».
A contrepied, certain·es scientifiques affirment qu’ils·elles voient une opportunité dans ces chamboulements. «L’élargissement de la participation aux STEM va au-delà de l’identité raciale, ethnique et sexuelle – il s’agit de veiller à ce que tous les esprits talentueux aient la possibilité de contribuer à notre main-d’œuvre dans le domaine des STEM», explique Suzanne Barbour, biochimiste et présidente d’un groupe chargé de conseiller la NSF sur la manière d’encourager la participation des groupes sous-représentés dans le domaine des sciences.
Finalement, alors qu’il n’existe pas de calendrier précis quant à la durée des blocages temporaires des gels de subvention, la NSF pourrait tout de même «avoir du mal à mettre fin légalement aux subventions, car leurs fonds sont affectés par le Congrès américain, ce qui signifie qu’ils sont protégés par la loi», explique Deborah Pearlstein, spécialiste du droit et de la politique publique à l’université de Princeton. De plus, il existerait un autre domaine dans lequel les actions de la NSF seraient en contradiction avec la loi : depuis 1980, le Congrès impose que l’agence cherche à élargir la participation des groupes sous-représentés.
3 Fév 2025
Donald Trump a décrété un gel temporaire des financements fédéraux américains durant 90 jours, afin de vérifier la conformité des programmes avec sa volonté politique. Sont concernés la Confédération, les ONGs ainsi que les universités. Le Fonds national suisse (FNS) affirme que les États-Unis sont le principal partenaire de la Suisse dans le domaine de la recherche. Selon les informations de la RTS, «les programmes de recherche touchant à la diversité, à l’équité et à l’inclusion, comme les études de genre et les recherches sur les personnes transgenres, sont particulièrement concernés par cette pause. Les projets en lien avec les politiques environnementales et les technologies vertes sont également dans le viseur.»
L’UNIL passe actuellement en revue ses programmes de recherche. Elle a envoyé jeudi dernier un mail à ses chercheur·euses, afin de recenser les projets concernés par des fonds fédéraux américains, dans le but de se préparer à cette nouvelle donne.
Le vice-recteur de l’Université de Genève Sébastien Castelltort annonce qu’aucune suspension n’est annoncée à Genève pour le moment. «Nous avons quelques projets qui pourraient être concernés, notamment dans le domaine de la santé», précise-t-il. «Nous avons énormément de collaborations, qui ne passent pas forcément par des moyens financiers, mais des voyages ou des échanges. C’est donc clair qu’il y a une instabilité qui n’est pas du tout favorable à la recherche pour l’instant», conclut-il.
«Le gouvernement américain ne respecte apparemment pas la liberté de la science», affrime de son côté Balthasar Glättli, conseiller national (les Vert·e·s, ZU).
30 Jan 2025
Les chercheurs américains sont ébranlés après la publication par l’administration du nouveau président Donald Trump, le 27 janvier, d’un décret gelant toutes les subventions et tous les prêts fédéraux à partir du 28 janvier. Un juge fédéral de Washington DC a temporairement bloqué le décret en fin de journée, mais il avait déjà incité de nombreuses universités américaines à déconseiller aux membres du corps professoral de dépenser les subventions fédérales pour des voyages, de nouveaux projets de recherche, des équipements, etc.
Dans une note envoyée aux agences fédérales le 29 janvier, l’administration du président américain Donald Trump a annulé son décret du 27 janvier. Karoline Leavitt, secrétaire de presse de la Maison Blanche, a toutefois déclaré sur la plateforme de médias sociaux X que cette dernière mesure n’était pas une annulation du gel des financements, mais un retrait de l’ordonnance du 27 janvier. On ne sait toujours pas quels sont les prêts et subventions fédéraux gelés.
28 Jan 2025
Des recherches de la Weltwoche montrent que l’ETHZ entretient aujourd’hui plusieurs coopérations de recherche avec le Département de la Défense des États-Unis. Le département de Physique, le Laboratoire de chimie inorganique, le Center for Security Studies et l’Institut de neuroinformatique de l’ETHZ reçoivent tous des fonds du Département américain. D‘un point de vue légal, les accords de coopération de l’école ne sont pas un problème. Ils restent toutefois délicats, plaçant l’ETHZ au service de la politique étrangère américaine. Certains accords stipulent explicitement qu’ils doivent servir les intérêts des Etats-Unis ainsi que leurs priorités stratégiques. «Au-delà du respect des dispositions légales, l’ETHZ ne donne pas d’indications sur le choix des partenaires pour les coopérations», indique Vanessa Bleich, porte-parole de l’EPFZ. L’école ajoute qu’il s’agit dans tous les cas de recherche fondamentale. Néanmoins, les limites entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée restent parfois floues.
A contrepied, l’établissement zurichois a durci ses règles d’admission pour les ressortissant·es chinois·es. L’ETH a commencé à modifier les conditions d’accès pour les candidat·es aux études provenant de pays sanctionnés dès l’introduction de l’Ordonnance sur le contrôle des biens utilisables à des fins civiles et militaires, des biens militaires spécifiques et des biens stratégiques en 2016. La nouvelle n’a été publiée dans la presse qu’en automne 2024. «L’EPF attribue la rigueur de son approche à la situation en Chine, où les autorités exercent une forte influence sur la recherche. En 2021, par exemple, la République populaire a promulgué deux lois sur les données qui permettent au gouvernement d’accéder directement aux données des propriétaires d’informations, de les utiliser ou même de les modifier sans leur consentement.»
L’auteur de l’article écrit: «La démarche de l’ETHZ est en contradiction avec les objectifs stratégiques 2021 à 2024 du Conseil fédéral pour le Domaine des EPF. Ceux-ci prévoyaient d’établir les hautes écoles de Lausanne et de Zurich comme «leading house dans la coopération bilatérale de recherche» avec des pays asiatiques comme la Chine, le Japon et la Corée du Sud». «Tout cela révèle comment l’ETHZ s’est laissée entraîner dans la politique de confrontation de l’Occident. Il est grand temps de s’en détacher», conclut-il en fin d’article.
27 Jan 2025
Les Etats-Unis ont exclu la Suisse des pays alliés qui peuvent avoir un accès illimité aux puces informatiques d’intelligence artificielle. Une décision critiquée par le ministre de l’économie Guy Parmelin qui souligne l’importance de la recherche suisse. «Dans les écoles polytechniques fédérales, on produit avec ces puces des innovations qui sont aussi importantes pour les Américains, explique-t-il.»
13 Jan 2025
John Aubrey Douglass, chercheur en politiques publiques et d’enseignement supérieur au Center for Studies in Higher Education à l’Université de Berkeley en Californie, estime qu’il est devenu de plus un plus difficile de diriger une université [aux Etats-Unis], et il craint que cette tendance va encore s’accentuer avec la deuxième présidence de Dondald Trump.
«En réalité, les dirigeants actuels des universités et des établissements d’enseignement supérieur sont confrontés à un environnement politique interne de plus en plus complexe dans lequel ils tentent d’exercer un leadership significatif.»
Les défis sont multiples, autant internes (structurels, budgétaires etc.) qu’externes, par exemple en lien avec les tendances géopolitiques et sociétales. Une publication de l’association américaine de professeur-es universitaires indique par exemple que depuis 2021 les législateurs et législatrices républicain-es ont introduit dans 35 États plus de 150 projets de loi visant à restreindre la liberté académique sur les campus.
John Aubrey Douglass écrit : «Après avoir été témoin du traitement sévère et des attaques largement motivées par des considérations politiques dont ont fait l’objet les dirigeants d’université dans plusieurs affaires très médiatisées, ainsi que de la législation anti-woke dans de nombreux États, un mouvement se dessine pour que les présidents de campus et leurs institutions soient plus «neutres» sur le plan politique. Il s’agit d’une tradition de non-partisanerie dans l’enseignement supérieur américain à laquelle il aurait fallu revenir bien plus tôt et qui reflète un effort pour atténuer non seulement les attaques imminentes et probables de la nouvelle administration présidentielle, mais aussi pour contribuer à changer l’opinion publique selon laquelle les collèges et les universités sont ouvertement axés sur l’activisme social libéral.»
23 Mai 2024
Les scientifiques sont de plus en plus souvent victimes de harcèlement en raison de leur travail, et les institutions peinent à les soutenir efficacement. Les attaques peuvent aller de la diffamation en ligne aux menaces physiques, et ciblent de nombreux domaines scientifiques, souvent à travers les réseaux sociaux et par le biais de la publication de messages privés. Ce phénomène n’est pas nouveau, mais la pandémie de COVID-19 a intensifié et multiplié les attaques contre les scientifiques, y compris des chercheur·es moins médiatisé·es. Malgré l’augmentation de ces épisodes, les institutions de recherche et les universités peinent à offrir une aide adéquate aux scientifiques : par exemple, la microbiologiste Siouxsie Wiles a poursuivi son employeur en justice (l’Université d’Auckland) pour manque à la protection contre le harcèlement.
Certaines institutions, comme l’Ecole de santé publique Johns Hopkins Bloomberg de Baltimore (Maryland), ont mis en place des stratégies pour mieux soutenir leurs chercheur·es. Ces mesures consistent en la création de groupes de travail, de guichets électroniques centralisés pour signaler les abus, et en la réaction rapide des équipes de sécurité créées par les institutions. Cependant, une certaine réticence à signaler les incidents par peur des répercussions professionnelles ou personnelles demeure, particulièrement pour les femmes qui ne souhaitent pas être définies comme des «pleurnichardes ». En outre, les attaques peuvent provenir de divers niveaux, y compris de la communauté académique elle-même et du milieu politique, ce qui complique encore une réponse efficace des institutions, qui cherchent à rester neutres.
3 Mai 2024
«Comme les manifestations étudiantes contre la guerre du Vietnam ont favorisé l’élection de Nixon en 1968, celles pro-palestiniennes d’aujourd’hui pourraient profiter à Donald Trump, écrit le politologue Daniel Warner»
2 Mai 2024
Au lendemain des violences qui ont éclaté entre manifestants pro-palestiniens et contre-manifestants des arrestations par la police à l’Université de Californie à Los Angeles, l’établissement a annulé tous les cours, laissant étudiant-es et professeur-es dans l’inconnu.
Selon le journaliste Stéphane Bussard, les manifestants dénoncent non seulement «les massacres commis par le Hamas en Israël le 7 octobre 2023 mais aussi la catastrophe humanitaire et les nombreux civils décimés à Gaza par l’armée israélienne. […] Les manifestants des campus s’érigent en fait contre des automatismes qui ont longtemps prévalu outre-Atlantique, Israël ayant pris une importance démesurée sur la scène politique américaine depuis des décennies au détriment d’une cause palestinienne inexistante.»
2 Mai 2024
Suite à des centaines d’attestations sur les campus américains hier, le Professeur de l’Université de Lausanne et spécialiste de la sociologie des mouvements sociaux, Olivier Fillieule, n’est pas surpris par cette radicalité observée au sujet des protestations pro-palestiniens sur les campus américains; pour deux raisons : premièrement, il explique que «on a du mal à imaginer que les universités regardent ailleurs [pendant qu’il se produit un conflit] extrêmement violent». Deuxièmement, il évoque les traces qu’ont laissé les mobilisations des années 60 autour de la guerre du Vietnam sur les étudiant·es américain·es dans le mémoire collectif («c’est très motivant»). Le Professeur Fillieule mentionne également la dimension du contexte financier des universités américaines, en grand nombre privées et dépendantes de fonds externes, ce qui motive les étudiant·es à entamer des actions plus concrètes comme des demandes de désinvestissement et d’arrêter les collaboration avec des universités ou l’armée israéliennes. En outre, pour expliquer les protestations dans les campus américains et français, le Professeur Fillieule évoque également le fait que ces deux pays sont en période électorale. En comparaison, les mobilisations en Suisse sont moins prononcées, peut-être en raison de l’absence de «tradition de lutte» ou de l’influence moindre des partis politiques.
Sollicité sur le fait que sur les campus universitaires suisses, beaucoup de mobilisations n’ont pas été autorisées, le Professeur donne un avis personnel concernant l’interdiction de ces mobilisations : «tout dépend de ce qu’on interdit : en gros la règle qui prévalait aux États-Unis […] c’est que tant qu’il y a des occupations qui se déroulent sur un espace qui n’est pas un espace d’enseignement (les pelouses, les les cafétérias, et cetera), donc tant qu’on ne met pas d’obstacle à ce qu’est la mission de l’université (enseigner, délivrer des savoirs, faire de la recherche) alors c’était toléré. Et il me semble que c’était une une manière de faire très raisonnable.»
Le Professeur Fillieule aborde ensuite la question de la gestion des mobilisations par les autorités universitaires en soulignant la difficulté de gérér des injonctions contradictoires : d’un côté les universités sont obligées de maintenir l’ordre public sur le campus et de protéger les étudiant·es, d’autre part les universités ont également la mission de promouvoir toute forme de débat, y compris ceux qui sont plus contradictoires : «[F]ace à ces deux injonctions l’Université de Lausanne a fait le choix […] [de] à la fois [mettre] un certain nombre d’obstacles à des initiatives pro-palestiniennes en essayant de les freiner, et en même temps [l’UNIL] essaie, mais à mon avis pas assez, d’organiser un débat.»
30 Avr 2024
«Débuté mi-avril à l’université new-yorkaise de Columbia, le mouvement pro-palestinien s’étend dans les campus américains. Dans plusieurs établissements, les forces de l’ordre ont dû intervenir. Des événements qui suscitent des divisions dans le camp démocrate et qui pourraient bien influencer l’élection présidentielle.»
25 Avr 2024
Les protestations pro-palestiniennes des étudiant·es américain·es continuent avec ferveur aux Etats-Unis : après l’Université de Columbia, l’Université de Yale, l’Université de Harvard, le Massachusetts Institute of Technology (MIT) et l’Université de New York (NYU), c’est à l’Université du Texas et à à l’Université de Californie du Sud que les étudiant·es se mobilisent.
A l’Université de Columbia, où les dernières protestations se sont déclenchées en premier lieu, les campements sont encore présents mais l’université a communiqué que des négociations avec les étudiant·es sont en cours. La situation reste tendue d’autant plus qu’on apprend via le 20 Minuten que le Président républicain de la Chambre des représentants du Congrès, Mike Johnson, a menacé : «si la situation n’est pas maîtrisée rapidement et si les menaces et intimidations ne cessent pas, il sera alors temps de faire appel à la Garde nationale».
Le débat sur la liberté d’expression avait déjà été objet de tensions au sein de la communauté universitaire américaine, mais avec l’intervention de la police la liberté d’expression est perçue comme davantage menacée par beaucoup de personnes : «l’intervention des forces de l’ordre est vue comme une hérésie et une réminiscence de la répression des manifestations contre la guerre du Vietnam. Une association de professeurs qui étaient présents devant NYU a dénoncé le recours à la police, affirmant que le rassemblement était certes «bruyant» mais ni antisémite.» (Le Temps) L’ONU a également eu son mot à dire à propos de la liberté d’expression et a rappelé le droit de manifester pacifiquement. Le porte-parole du Secrétaire général de l’ONU António Guterres, Farhan Haq, affirme que «[l]a position fondamentale des Nations unies reste de respecter le droit des gens à protester pacifiquement […] [et souligne qu’ils sont] contre toute forme de discours de haine.» (Tages-Anzeiger)
Andreas Wimmer, Professeur de sociologie et de philosophie politique à l’université Columbia de New York tente d’apporter une analyse aux faits des derniers jours dans les universités américaines : il explique que des «activistes djihadistes» tentent de s’emparer des protestations mais rappelle également que «les protestations sur le campus sont pacifiques et il y a peu d’antisémitisme ouvert. Un quart des étudiants arrêtés sont d’ailleurs juifs». En effet, pour le Professeur Wimmer «[l]es lignes de conflit ne suivent pas les identités ethnico-religieuses, mais les positions politiques sur la guerre à Gaza […] : Sur le campus même, il est peu probable que quelqu’un soit bousculé parce qu’il porte une kippa. En revanche, s’il se promenait dans le camp de tentes avec un drapeau israélien, il y aurait probablement des altercations». Finalement, pour le Professeur Wimmer «la polarisation sur le campus est quasiment impossible à combattre […] : [la Présidente de Columbia] doit d’une part défendre la liberté de parole des protestataires et d’autre part protéger le droit des étudiants juifs à pouvoir étudier sans être dénigrés ou intimidés. Et elle doit veiller à ne pas offrir de terrain d’attaque aux militants républicains, afin d’éviter que les fonds fédéraux ne soient supprimés pour cause de discrimination, mais d’un autre côté, elle doit aussi défendre l’indépendance de l’université face aux pressions politiques. Elle doit d’une part satisfaire les donateurs privés, les trustees, et les alumni, dont beaucoup s’inquiètent des protestations prétendument antisémites, et d’autre part éviter que le corps professoral ne demande sa démission.» (Neue Zürcher Zeitung)
24 Avr 2024
Des protestation d’étudiant·es propalestinien·nes ont vu le jour mercredi passé, simultanément à l’audition prévue de la Présidente de Columbia, Nemat « Minouche » Shafik, devant une commission du Congrès américain à Washington au sujet de sa gestion sur les protestations. Un étudiant explique les revendications des protestations : «l’Université Columbia doit retirer ses investissements financiers des obligations israéliennes et des entreprises américaines qui gagnent de l’argent en fournissant des armes à l’armée israélienne. Les programmes de coopération académique avec l’université de Tel Aviv doivent être coupés.»
Madame Shafik a «dû prendre une décision dont [elle espérait] qu’elle ne serait jamais nécessaire» : recourir à la police afin qu’elle démantèle les campements des protestataires, qui a ensuite arrêté plus d’une centaine d’étudiant·es. Néanmoins cela n’a pas découragé les protestataires à l’Université de Columbia qui ont remis les tentes sur le campus, mais cela a également poussé d’autres protestations à se déclencher dans d’autres universités du pays, où des étudiant·es ont également été arrêté·es.
«Lundi soir, la direction de l’université a annoncé la tenue de tous les cours jusqu’à la fin proche du semestre, également via une diffusion en ligne, dans la mesure du possible. Il s’agit manifestement d’une offre destinée aux étudiants qui ne se sentent plus en sécurité ou à l’aise sur le campus.»
Les membres de l’American Association of University Professors «[condamnent] fermement la suspension des étudiants qui manifestent pacifiquement». Le Professeur d’histoire Christopher Brown pense que le fait que Madame Shafik ait appelé la police pour intervenir constitue «un signe de faiblesse» qui a fait perdre à Madame Shafik «le privilège de diriger cette grande université». (NZZ)
«Les dirigeants de l’université doivent maintenant à nouveau se demander et se faire demander jusqu’où peut aller la liberté d’expression. On discute actuellement de la démission de Minouche Shafik […].» (Tages-Anzeiger)
Le Président américain Joe Biden a également pris parole au sujet des tensions dans les universités américaines, en «[condamnant[ les «manifestations antisémites» tout en dénonçant «ceux qui ne comprennent pas ce que vivent les Palestiniens».» Préoccupé pour le climat dans les universités il ajoute : «[c]et antisémitisme flagrant est répréhensible et dangereux, et il n’a absolument pas sa place sur les campus universitaires, ni nulle part dans notre pays». (rtsinfo.ch)
En effet, les étudiant·es de confession juive ne se sentent plus en sécurité, comme le dit Nicholas Baum, un étudiant en finance et en histoire juive : «Avant le 7 octobre, je me sentais en sécurité sur le campus en tant que juif. Ce n’est plus le cas aujourd’hui […]. De nombreux amis juifs sont rentrés chez eux par peur. Ils m’ont parfois supplié de faire de même.» (20minuten.ch)
22 Fév 2024
«Les universités américaines, qui sont au centre de débats toxiques sur la liberté d’expression et la diversité, souffrent d’une crise de légitimité qui a également placé la fonction présidentielle [du recteur ou de la rectrice] sous un microscope. Le poste de président est depuis longtemps source de frustrations. Au-delà de l’utilisation de l’argent des donateurs et de quelques décisions importantes en matière de recrutement, les présidents d’université exercent étonnamment peu de pouvoir officiel.»
Le travail d’un président ou une présidente consiste à «satisfaire une équipe hétéroclite de parties intéressées» devient plus difficile, voire impossible: les étudiants les «bousculent», les donateurs se font plus entendre.
L’une des options consiste à repenser les fonctions du président. Cela pourrait impliquer de limiter leur capacité à faire des déclarations politiques, ou de «renforcer leur obligation de mérite et de liberté d’expression». Les conseils d’administration sont toutefois plus susceptibles d’aborder le problème par le biais de leurs nominations présidentielles que par une modification de la Constitution.
Certains considèrent qu’il serait intéressant de choisir «un homme d’affaires» pour la présidence, particulièrement pour gérer les excès de bureaucratie «qui touchent beaucoup d’universités», mais les entreprises américaines ne se sont pas montrées plus aptes à naviguer dans les guerres culturelles toxiques du pays. «Un-e ancien-ne politicien-ne, une autre possibilité, peut savoir comment faire des cadeaux aux donateurs et s’acoquiner avec les journalistes, mais il serait un paratonnerre pour les critiques des partisans du parti qu’il ne représente pas. Dans les deux cas, l’outsider aura du mal à gagner le respect de la faculté avec laquelle il doit travailler.»
«La vérité est que l’origine des candidats n’est pas le problème. Une crise d’identité engloutit les universités américaines. Elles sont déchirées entre leurs responsabilités en matière d’apprentissage et de justice sociale – et c’est une tension que tout président aura du mal à résoudre. Cette situation est porteuse d’enseignements plus larges pour toutes les organisations. Les institutions qui ne s’appuient pas sur un objectif clair, qu’il s’agisse de la recherche du savoir ou de la recherche du profit, sont vouées à des crises périodiques. Même le capitaine le plus habile aurait du mal à diriger un tel navire.»
22 Fév 2024
«Joe Biden, qui a en grande partie conquis la Maison Blanche en 2020 grâce aux jeunes électeurs, a annoncé mercredi une nouvelle mesure d’effacement de dette étudiante, en se félicitant d’avoir, au total, annulé les créances de ce type pour « près de 4 millions d’Américains ».»
10 Nov 2023
La tension dans les grandes universités américaines continue de croître. Actes antisémites en augmentation, manifestations sur les campus, «affiches montrant les visages des 240 otages israéliens et étrangers aux mains du Hamas […] arrachées» et dénonciations sur internet, la situation se péjore.
«Lundi, Elizabeth Magill, la présidente de l’Université de Pennsylvanie, a fait état de messages antisémites visant plusieurs employés et annoncé qu’elle avait saisi le FBI. Vendredi dernier, l’Université de Cornell […] a annulé tous les cours […]» après qu’un étudiant ait proféré des menaces de mort à l’encontre de toutes les personnes juives qu’il croiserait sur le campus.
Différents acteur∙trices n’appartenant pas au monde académique s’en mêlent. L’Anti-Defamation League a «[lancé une] permanence juridique pour les étudiants juifs» après qu’un sondage ait révélé que «56% des étudiants juifs ne se sentaient pas en sécurité sur leur campus.» Les donateur∙trices mettent la pression aux universités et retirent leur soutien. «La Floride, dirigée par le candidat républicain Ron DeSantis, a demandé à toutes les universités de l’Etat à bannir […]» le groupe «étudiants pour la justice en Palestine» (SJP).
Certaines des associations estudiantines qui avaient signé une lettre ouverte propalestinienne juste après l’attaque du Hamas se sont aujourd’hui rétractées. «Les dirigeants académiques ont été sommés de se positionner pour se distancier de leurs propres étudiants, ce qu’ils ont fini par faire. Certains professeurs craignent au contraire que de telles prises de position, car elles risquent de réduire les espaces de débats.»