Le 17 avril 2025 des douzaines de rabbins diplômés de l’Université de Brown avaient adressé une lettre à la présidente de l’université: «Ne cédez pas le contrôle à ceux qui utilisent l’antisémitisme comme une arme». Celle-ci doit actuellement réfléchir à la manière de réagir à la menace de l’administration Trump de réduire son financement de 500 millions de dollars, prétendument en raison de la gestion par Brown de l’antisémitisme sur le campus. Brown fait partie du nombre croissant d’universités qui sont menacées par des coupes similaires de la part du gouvernement américain.
Egalement la semaine dernière, des membres de la communauté juive de Harvard, du Emerson College, de l’université de Georgetown et d’autres universités ont exprimé leur désaccord. A Harvard, plus de 100 étudiant·es juif·ves ont signé une lettre dénonçant l’annonce faite par l’administration Trump au début du mois de revoir 9 milliards de dollars de financement fédéral pour l’école. La lettre, qui n’est pas prise en compte par le président de Harvard, a été rédigée avant que le gouvernement ne gèle 2,2 milliards de dollars de subventions cette semaine. Des lettres ouvertes similaires de la communauté juive universitaire ont été rédigés dans les universités de Georgetown et Berkeley et de dix grandes organisations juives, dont des leaders des mouvements réformiste, conservateur et reconstructionniste, ont publié mardi (22.04.2025) une déclaration commune.
Les critiques viennent également d’Israël. Jeudi, plus de 170 universitaires israéliens ont dénoncé les arrestations du gouvernement dans une lettre ouverte, dans laquelle ils écrivent que « de telles mesures draconiennes ne nous protègent pas » et dénoncent « l’invocation cynique de la “lutte contre l’antisémitisme” » comme raison des mesures de l’administration.
«Mais il existe aussi des soutiens juifs à ces mesures, notamment lorsqu’il s’agit de supprimer les visas des étudiants qui s’engagent contre Israël. Plusieurs groupes d’activistes se sont donné pour mission d’identifier les étudiant·es et de faire un rapport sur eux [et elles] à la Maison Blanche. La pression financière exercée sur les universités trouve également des partisans juif·ves.»
Cependant, selon Tachles, de plus en plus de signes indiquent que les coupes budgétaires – des milliards de dollars sont en jeu à ce jour – pourraient avoir dépassé même les intérêts des critiques les plus ambitieux de l’antisémitisme dans les universités. «Vendredi matin, le directeur exécutif de l’Anti-Defamation League, Jonathan Greenblatt, a intensifié sa critique de la politique universitaire de l’administration Trump. Selon lui, Harvard et d’autres écoles ont de véritables défis à relever en matière d’antisémitisme et s’amélioreront davantage par le soutien que par des sanctions sévères. Si des sanctions devaient être prises, elles ne devraient l’être que dans de rares cas et de manière très ciblée.»
La journaliste Suzanne Nozzel du journal américain juif en ligne [qui avait publié un article presque identique de celui de Tachles] écrit : «Au-delà du simple retour de bâton [contre la communauté juive], les actions de l’administration Trump au nom de la lutte contre l’antisémitisme sur les campus posent des risques plus profonds. L’affaiblissement des universités en tant qu’institutions autonomes portera atteinte à un moteur essentiel de la mobilité sociale, de l’intégration et de la réussite professionnelle des Juifs et de tous les autres. Punir les universités en retenant les fonds fédéraux touchera en premier lieu les sciences et la médecine, domaines dans lesquels les Juifs ont depuis longtemps trouvé une grande réussite professionnelle.»
Les universités dans le collimateur devraient donc redoubler d’efforts pour contrer l’envahissement idéologique, renforcer le soutien aux étudiants juifs et consolider la discipline neutre en termes de points de vue, nécessaire pour maintenir les campus ouverts et sûrs pour toutes et tous. Ils devraient écouter les étudiant·es et les enseignant·es juif·ves qui ont des points de vue différents sur ces défis et sur ce qui pourrait les améliorer ou les exacerber. «L’urgence suscitée ces dernières semaines devrait être un catalyseur non seulement pour repousser l’administration Trump, mais aussi pour accélérer les réformes attendues depuis longtemps pour diversifier intellectuellement les facultés, embrasser la pensée hétérodoxe et faciliter le dialogue au-delà des différences. Les efforts crédibles pour éradiquer l’antisémitisme doivent aller au-delà des campus et s’attaquer à la haine des Juifs, qu’elle vienne de la droite ou de la gauche. La tactique la plus efficace pourrait consister à renforcer les institutions et les communautés juives en tant que refuges, mais aussi en tant que fondements de la sensibilisation et de la construction de ponts vers les autres.»