Dans le cadre de la sortir du film «Blame» (avril 2025) du cinéaste et producteur suisse Christian Frei, la NZZ am Sonntag a interviewé le réalisateur aux côtés du zoologiste anglo-américain expert des maladies infectieuses transmises par les animaux aux humains Peter Daszak et du virologue suisse Volker Thiel, ancien membre de la task force Corona. Avec «Blame», Christian Frei se penche sur les accusations, théories du complot et de la géopolitique sur l’origine du coronavirus (controverse aujourd’hui toujours pas résolue), afin de mette en lumière le rôle de la science dans les périodes sombres.
Peter Daszak avoue dans l’article avoir été et continue d’être accusé d’avoir contribué à la création du coronavirus. Il reçoit ainsi souvent des menaces de mort et vit avec sa famille au sein d’un réel dispositif de sécurité. Il estime que ses détracteur·ices veulent le faire taire. «J’ai été démis de mes fonctions de président. Ma carrière est détruite. C’est une forme de terrorisme silencieux», lâche-t-il.
Selon Volker Thiel, il n’existe de preuves pour l’origine du virus ni pour l’hypothèse de la contamination par le marché, ni pour l’hypothèse du laboratoire. Même si la première hypothèse lui semble plus probable, il ne peut toutefois pas, en tant que scientifique, exclure complètement l’autre thèse. «Le problème, c’est que notre société ne peut pas accepter cette réponse. Nous ne voulons pas de probabilités, mais seulement du noir ou du blanc, du oui ou du non. Et celui qui a une autre opinion devient un ennemi. Tant qu’il n’y a pas de preuves claires pour aucun des scénarios, personne ne devrait être cloué au pilori», raconte-t-il.
Alors qu’un manque de transparence de la part des laboratoires chinois est pointé du doigt, Peter Daszak explique : «Au début de la pandémie, la Chine a été très transparente. […] La politique d’information a changé lorsque Trump a commencé à parler de «virus chinois» dans le cadre des demandes de paiement de réparations.» Conséquence ? «Les chercheurs chinois sont devenus beaucoup plus nationalistes, ils publient à nouveau davantage dans des revues chinoises et recherchent moins la collaboration. C’est une véritable perte, y compris pour la sécurité mondiale.»
De son coté, Christian Frei explique que «nous vivons à une époque d’inversion perfide et paranoïde de la vérité», dans laquelle «nous perdons tous nos repères dans [un] brouhaha». Il ajoute : «Les scientifiques sont victimes d’une nouvelle économie de l’attention qui ne vise que les clics. Réduire des relations complexes à des réponses simples est tout simplement impossible. En même temps, les scientifiques sont désagréables pour tous ceux qui utilisent des récits pour faire de la politique.»
Volker Thiel avance qu’en Suisse, «celui qui s’expose trop sur les médias sociaux se fait insulter ou même menacer». Il ajoute: «La grande question pour moi est de savoir comment la politique européenne va réagir : Va-t-elle continuer à soutenir la science ou la combattre à l’avenir, comme le fait actuellement le gouvernement américain?»